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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 10:56

Excellent article sur la lactation, je le recommande !

Source : http://www.cairn.info/revue-spirale-2003-3-page-45.htm

L’insuffisance de lait, qu’elle soit réelle ou simplement perçue, est la première cause d’abandon de l’allaitement. L’enquête française de 1995 (Crost, 1998) révèle que chez les femmes ayant cessé d’allaiter avant neuf semaines, le principal motif d’arrêt invoqué est dans 38 % des cas une insuffisance de lait. La croyance que beaucoup de mères ne sont pas capables de produire assez de lait est profondément enracinée et extrêmement répandue. De nombreux cas cliniques de stagnation pondérale chez des nourrissons allaités tendent à renforcer l’idée que l’insuffisance de lait « sévit » de manière endémique. L’expression « syndrome d’insuffisance de lait » est apparue dans la littérature biomédicale et anthropologique au début des années 1980 (Gussler, Briesemeister, 1980 ; Greiner et al., 1981). Ce nouveau syndrome a été rattaché aux pratiques d’allaitement inadaptées (mise à distance de la mère et de l’enfant et règles horaires rigides) et à la très large diffusion des laits industriels. Il englobe « l’insuffisance de lait » à proprement parler mais aussi l’insuffisance de lait dans une dimension qualitative, des doutes sur la qualité et la valeur nutritionnelle du lait étant aussi très fréquemment invoqués (Dykes, 2002 ; Obermeyer, Castle, 1996). La prévalence élevée de ce syndrome dans la plupart des pays occidentaux contraste avec sa rareté dans les pays où l’allaitement maternel est très valorisé et le recours aux laits artificiels beaucoup moins facile, de même qu’il était quasiment inconnu à l’époque où l’allaitement était encore la norme et le mode d’alimentation prépondérant dans les pays occidentaux (Gussler, Briesemeister, 1980 ; Greiner et al., 1981 ; Dykes, 2002 ; Obermeyer, Castle, 1996 ; Renfrew, Woolridge, McGill, 2000).

La connaissance de la physiologie de la lactation et de la régulation de la production de lait ainsi que celle du comportement, des besoins et de la croissance des nourrissons permettent de comprendre que, dans un contexte où le lait artificiel est largement disponible et son utilisation depuis longtemps normalisée, le syndrome d’insuffisance de lait est un mythe culturellement construit.

Physiologie de la lactation

Le lait est fabriqué continuellement par les cellules de l’épithélium mammaire, il est sécrété et stocké dans les alvéoles jusqu’à ce que son extraction soit initiée. Le contrôle de la synthèse, de la sécrétion et de l’éjection du lait est complexe et multifactoriel (Neville, 1999 ; Hartmann, 2000). Il implique deux niveaux de régulation, le premier central, endocrine, l’autre local, autocrine.

Le contrôle endocrine s’exerce essentiellement par l’intermédiaire de la prolactine pour la sécrétion et de l’ocytocine pour l’éjection. La prolactine est sécrétée par l’antéhypophyse et stimule la synthèse du lait. La succion déclenche des pics de prolactine pouvant durer jusqu’à 75 minutes après le début de la tétée et qui se surimposent au taux sérique de base très élevé à l’accouchement. Cependant, la prolactine n’a qu’un rôle permissif sur la synthèse, elle ne régule pas le volume de lait produit, lequel dépend essentiellement de facteurs locaux : il n’a été retrouvé aucune corrélation entre le taux de prolactine et la synthèse du lait à court et à long termes (Hartmann, 2000 ; Cregan, Hartmann, 1999). L’ocytocine est libérée à partir de l’hypophyse postérieure et permet l’éjection du lait ; en effet, le lait a tendance à adhérer aux membranes plasmiques et il y a des forces de tension superficielle qui s’opposent à son écoulement dans les plus petits canaux galactophores (Houdebine, 1993). L’ocytocine agit sur les récepteurs des cellules myoépithéliales dont elle provoque la contraction : le lait est propulsé des alvéoles vers les canaux et les sinus lactifères d’où il peut être extrait. Mais la libération d’ocytocine peut être influencée par de nombreux facteurs : c’est le cas notamment du stress qui a un rôle inhibiteur. Newton a montré en 1948 que le stress psychologique ou la douleur diminuaient la production de lait ; ultérieurement, Ueda (1994) a pu montrer que la base physiologique est en fait une inhibition des décharges d’ocytocine. D’autres hormones jouent aussi un rôle dans le contrôle endocrine de la lactation et participent à l’établissement d’un « climat hormonal » favorable à l’établissement et à l’entretien de la lactation : hormones de croissance, insuline, glucocorticoïdes et hormones thyroïdiennes.

Le contrôle endocrine n’explique pas complètement la régulation du volume de lait produit ; il existe un mécanisme de régulation locale qui exerce un rétrocontrôle négatif inhibant la synthèse lactée tant qu’il reste un important volume de lait résiduel dans les seins (Neville, 1999 ; Hartmann, 2000 ; Cregan, Hartmann, 1999). Le fil (feedback inhibitor of lactation) est une petite protéine du lactosérum synthétisée en même temps que les autres constituants du lait et qui en s’accumulant avec le lait alvéolaire freine la synthèse du lait. À l’aide d’une modélisation informatique qui permet de mesurer avec précision le volume et les variations de volume des seins entre les tétées, Hartmann et son équipe ont pu montrer que le taux de synthèse du lait varie considérablement (de 6 à 90 ml/h) en fonction du degré de remplissage des seins (Hartmann, 2000 ; Cregan, Hartmann, 1999). Le taux de synthèse du lait est inversement proportionnel au degré de remplissage et n’est pas le même dans les deux seins même si ceux-ci reçoivent la même stimulation hormonale. Le contrôle autocrine permet de comprendre que tous les facteurs qui limitent l’extraction du lait (tétées inefficaces, faible nombre de tétées, tétées trop courtes, anomalies du réflexe d’éjection) entraînent une diminution du volume de lait produit. C’est également la raison pour laquelle toutes les difficultés de l’allaitement peuvent se compliquer d’une insuffisance « secondaire » de lait. Inversement, une mère peut augmenter sa production lactée en améliorant l’efficacité de l’extraction du lait et en augmentant le nombre de tétées. Le contrôle autocrine régule le volume de lait produit dans le but de répondre aux besoins a priori imprévisibles de l’enfant, tout en évitant des dépenses énergétiques inutiles pour la mère. Le déterminant le plus important du volume de lait produit est l’efficacité et la fréquence de l’extraction du lait, donc la demande de lait, normalement par l’enfant lui-même, demande elle-même influencée par son appétit, et donc probablement son âge, son poids et son état de santé (Hartmann, 2000). La quantité de lait produite par une mère est beaucoup plus le reflet des besoins de son enfant que de sa capacité propre à produire du lait.

L’utilisation de la modélisation informatique a également permis de mettre en évidence qu’il existe d’importantes variations (80 à 600 ml) dans la capacité de stockage des seins d’un individu à l’autre et chez une même mère d’un sein à l’autre. Ces variations sont indépendantes de la capacité à produire suffisamment de lait mais elles peuvent avoir une influence sur le nombre de tétées et sur l’évolution de la lactation (Hartmann, 2000 ; Cregan, Hartmann, 1999).

Indépendamment des besoins et des rythmes individuels de chaque enfant, les mères dont les capacités de stockage mammaire sont faibles ont besoin de donner le sein plus souvent que celles dont les capacités de stockage mammaire sont grandes ; ainsi, certaines mères ont une physiologie de la lactation qui ne leur permet pas de s’adapter à des règles d’horaires rigides ou à un faible nombre de tétées. Chez les mères qui ont une faible capacité de stockage, des tétées espacées ou un engorgement peuvent rapidement entraîner une inhibition de la lactation.

L’établissement de la lactation suppose : 1) le développement normal de la glande mammaire ; 2) un « climat hormonal » adapté, comportant une chute du taux de progestérone, puis une sécrétion adéquate des hormones du complexe lactotrope, en particulier de prolactine ; 3) l’extraction du lait dans un délai post-partum variable selon les mères. L’entretien de la sécrétion lactée est essentiellement sous contrôle autocrine mais nécessite la persistance de pics de prolactine et le réflexe d’éjection.

Régulation du volume de lait produit

Les conclusions de toutes les études et les avis de tous les experts (Dewey, Lonnerdal, 1986 ; Woolridge, 1995) indiquent que la lactation est régulée par le principe de l’offre et de la demande, et que le déterminant le plus important du volume de lait produit est l’enfant lui-même, sa demande régulant l’offre, par le biais du contrôle autocrine. Il s’agit du principe physiologique fondamental qui sous-tend les pratiques à la base de la réussite de l’allaitement (Renfrew, Woolridge, McGill, 2000). Comme chez l’adulte, l’appétit de l’enfant contrôle la quantité ingérée et c’est l’apport calorique (ou l’apport de graisses) qui détermine la satiété (Woolridge, 1995). Si la concentration en graisses du lait est plus faible que la moyenne, l’enfant consomme une plus grande quantité de lait. Chez les mères dont les réserves de graisses sont très faibles et qui produisent un lait dont la valeur calorique peut être diminuée jusqu’à 15 %, le volume de lait produit est augmenté de 5 à 15 % (Neville, 1999). Quand la valeur calorique du lait est basse, les enfants s’adaptent en augmentant la durée des tétées et donc la « vidange » des seins, ce qui a pour effet d’augmenter le volume de lait produit (Tyson et al., 1992).

Pour que ces mécanismes de régulation physiologique puissent fonctionner normalement, il faut que l’enfant ait l’opportunité d’autoréguler ses besoins qui peuvent être variables selon les périodes. Il est donc indispensable que l’enfant tète de façon efficace et qu’il ait accès au sein sans restriction. Si les mères adoptent ou sont encouragées à adopter des comportements où elles exercent le contrôle principal sur la conduite de l’allaitement, par exemple en imposant un nombre et une durée arbitraire de tétées, l’enfant risque de ne pas pouvoir réguler ses besoins nutritionnels de façon adéquate, sauf si ses capacités d’adaptation lui permettent de s’accommoder d’un schéma rigide et préétabli (Woolridge, 1995).

Les études sur les volumes de lait consommés par des nourrissons allaités au cours des six premiers mois montrent qu’après établissement de la lactogenèse stade II, il existe une période d’ajustement de la production de lait aux besoins de l’enfant : on observe une augmentation initiale rapide du volume consommé (en moyenne 175 g/semaine) et donc une adaptation du volume produit avec généralement production de lait à la hausse mais parfois à la baisse si la production initiale était supérieure aux besoins ; cette période dure jusque environ 4-6 semaines post-partum, puis le volume atteint une phase de plateau, l’enfant consommant en moyenne 750 grammes de lait par jour entre 1 et 6 mois ; l’augmentation jusqu’à l’âge de 6 mois est beaucoup plus lente (en moyenne 4 g/semaine) (Woolridge, 1995). Ces premières semaines de l’allaitement correspondent à une période de calibrage au cours de laquelle l’amplitude de la production lactée s’établit ; il est particulièrement important de veiller à ce que les tétées soient à la fois efficaces et suffisamment nombreuses. Tout ce qui va interférer avec l’établissement d’une production de lait suffisante (engorgement sévère, tétées peu efficaces, nombre ou durée des tétées insuffisants, compléments non nécessaires) risque de compromettre l’établissement de la lactation et la poursuite de l’allaitement.

Données sur la croissance et le développement du nourrisson

La croissance des enfants allaités est différente de celle des enfants nourris au lait artificiel (Dewey et al., 1995) : plusieurs études ont montré que, comparativement aux enfants nourris au lait artificiel, les enfants allaités jusque au moins l’âge de 1 an grossissent plus vite pendant les deux à trois premiers mois et moins vite à partir du troisième ou du quatrième mois. Pendant les premières semaines de l’allaitement une courbe de poids hésitante ne doit pas être considérée comme normale. Si à partir de la fin de la première semaine, le nouveau-né ne prend pas au moins 120 à 130 grammes par semaine, il est probable qu’il ne consomme pas suffisamment de lait (Nelson et al., 1989). Des mesures précoces visant plutôt à améliorer la conduite de l’allaitement qu’à introduire facilement des compléments sont préférables à une attitude attentiste afin d’éviter que les problèmes ne se compliquent d’une insuffisance de lait. En revanche, si la croissance d’un nourrisson en bonne santé, exclusivement allaité, a tendance à s’infléchir à partir du troisième ou du quatrième mois, il n’y a pas lieu de s’alarmer ni de conseiller à la mère d’introduire des compléments. Rappelons que les courbes de croissance actuellement disponibles dans les carnets de santé ont été établies sur des populations d’enfants essentiellement nourris au biberon. L’allaitement maternel étant la norme de l’alimentation infantile, la croissance des nourrissons allaités doit en constituer la référence et il est indispensable que l’on puisse disposer de courbes de croissance adaptées.

Hetty van de Rijt et Frans Ploo ont étudié pendant vingt-cinq ans le développement des bébés et l’attitude des mères face à cette évolution (Van de Rijt, Ploo, 2001). Ils ont découvert que tous les bébés normaux et en bonne santé présentent à certaines périodes de leur développement des moments difficiles faits de pleurs parfois incessants qui sont source d’anxiété et d’exaspération pour les parents. Ces périodes correspondent en fait à d’importants changements dans le développement psychomoteur des nourrissons et se manifestent par des modifications du comportement avec crises de pleurs ou agitation inexplicable. Ces jours difficiles précèdent l’apparition de nouvelles compétences, sorte de « bonds en avant », et surviennent à des âges sensiblement identiques et quasiment prévisibles pour la plupart des bébés. De même pour Brazelton (2003), il existe des moments de régression au cours du développement d’un enfant, juste avant les élans de développement, qui constituent des moments au cours desquels l’enfant reprend des forces pour mieux repartir en avant. Ces notions, bien connues des spécialistes du développement, sont à rapprocher de celles habituellement décrites dans les publications spécialisées dans l’allaitement maternel sous le terme de « poussées de croissance » et sur lesquelles nous reviendrons. Il s’agit en fait plus probablement de « poussées de développement », et leur survenue, classique notamment à la fin du premier mois et au début du deuxième, est souvent interprétée chez un nourrisson allaité comme le signe d’un manque de lait, ce qui va conduire à l’introduction injustifiée de compléments de lait artificiel et à l’abandon plus ou moins rapide de l’allaitement.

Description et classification de « l’insuffisance de lait »

Pour les parents et les professionnels de santé, le problème d’une « insuffisance de lait » se pose dans différentes circonstances : croissance pondérale lente ou stagnation pondérale, perte de poids, pleurs ou agitation de l’enfant, changement de ses rythmes de sommeil et notamment besoin de téter la nuit, nombre élevé de tétées, tétées très longues, ou encore perception de seins souples, disparition des « fuites » de lait. Il peut aussi s’agir de modifications dans l’aspect ou la fréquence des selles, faisant douter de la qualité du lait.

On ne connaît pas de manière précise l’incidence du problème, car il y a peu d’études disponibles. Il n’y a pas non plus de définition précise de l’insuffisance de lait et dans ce contexte il est essentiel d’essayer de différencier (Renfrew et al., 2000) :

  • une incapacité physiologique maternelle à produire du lait ou assez de lait ;

  • une insuffisance de lait « secondaire » ;

  • la crainte ou la perception d’un manque de lait.

Quelques études ont cherché à évaluer le problème.

Neifert (1990) a suivi de manière prospective 319 primipares bien portantes, motivées et allaitant exclusivement un nouveau-né à terme : en prenant comme critère de production lactée suffisante une prise de poids d’au moins 28,5 g/j, 85 % des mères ont une lactation suffisante établie dans les trois semaines post-partum ; 15 % des mères n’ont pas pu établir une production de lait suffisante pendant cette même période en dépit d’une prise en charge optimale. Si le critère de définition retenu est une prise de poids de 20 g/j le nombre de mères ayant une insuffisance de production de lait à trois semaines est de 10,7 %. Dans deux tiers des cas cependant, l’insuffisance de production de lait n’a pas été considérée comme primitive mais secondaire à des difficultés ayant entraîné un mauvais transfert du lait à l’enfant et donc une baisse de lait.

Mathur (1992) a pris en charge et suivi 75 femmes dont 71 avaient une production de lait insuffisante et 4 aucune production de lait ; 70 % des mères ont pu allaiter complètement après prise en charge visant à rétablir l’allaitement avec succès ; trois des quatre mères qui ne produisaient pas de lait ont pu allaiter normalement par la suite.

Woolridge (1995) rapporte que « l’insuffisance de lait » est le principal motif de consultations au centre de consultations d’allaitement à Bristol (Royaume-Uni). 465 femmes sur les 705 (66 %) vues sur une période de deux ans et demi ont été adressées pour cette raison. Dans la grande majorité des cas (85 %), il n’y avait pas d’insuffisance de lait et le problème s’est rapidement corrigé simplement par des conseils et du soutien. Une incapacité pathophysiologique à produire du lait (< 150 ml/jour) n’était retrouvée que dans 1,3 % des cas. Dans environ 10 % des cas, il existait une insuffisance de production de lait soit primitive (4,8 %), idiopathique, liée à la mère (150-350 ml/ jour), soit acquise (5,2 %), généralement liée à une conduite inappropriée de l’allaitement (< 450 ml/jour).

L’insuffisance de lait liée à une incapacité pathophysiologique maternelle à produire du lait ou assez de lait est rare et concerne probablement moins de 5 % des mères.

Des anomalies anatomiques congénitales ou postchirurgicales peuvent être à l’origine d’une insuffisance de lait.

Huggins (2000) rapportait que sur 34 cas de mères suivies de manière prospective et présentant différents degrés d’hypoplasie mammaire, 61 % n’ont pas réussi à établir une lactation suffisante. La production de lait était corrélée au degré d’hypoplasie.

La chirurgie mammaire peut avoir un impact sur la production lactée : dans l’étude de Neifert, 6,9 % des mères avaient subi une chirurgie mammaire. Le risque d’insuffisance de lait est multiplié par trois comparativement à celles qui n’ont pas été opérées. L’existence d’une incision péri-aréolaire multiplie le risque d’insuffisance de lait par cinq. Les quatre mères ayant subi une réduction mammaire (avec incision péri-aréolaire) sont celles dont la sécrétion lactée est la plus basse. Plusieurs autres études retrouvent des résultats comparables (Soderstrom, 1993 ; Widdice, 1993 ; Marshall ; Callan ; Nicholson, 1994 ; Hurst, 1996) et il est possible de les résumer en disant que la réussite de l’allaitement semble probable après chirurgie d’augmentation, surtout en l’absence d’incision péri-aréolaire, possible après chirurgie de réduction si le mamelon n’a pas été détaché du sein, et improbable après chirurgie quand le mamelon a été détaché du sein.

D’autres causes peuvent être théoriquement à l’origine d’une insuffisance de production de lait mais très peu ont fait l’objet d’investigations particulières.

Parmi les causes hormonales possibles, l’hypothyroïdie, bien que régulièrement citée dans les manuels d’allaitement comme cause d’insuffisance de lait, n’a pas été évaluée précisément. Trois cas de rétention placentaire associée à un échec de l’établissement de la lactation ont été décrits par Neifert (1987) ; la lactation s’est mise en route immédiatement après ablation des fragments placentaires respectivement à 1, 3 et 4 semaines. Le syndrome de Sheehan à l’origine d’un panhypopituitarisme de degré variable est régulièrement cité comme cause d’agalactie ; exceptionnel dans les pays développés, c’est la première cause d’insuffisance de lait dans les pays en développement (Mathur et al., 1992). Cinq cas de déficits isolés en prolactine associés à des échecs d’allaitement ont été rapportés (Douchi et al., 2001).

Le stress peut supprimer la lactation directement en inhibant la sécrétion de prolactine et d’ocytocine et indirectement en agissant sur le système nerveux central et le système nerveux sympathique (Lau, 2001).

Contrairement aux idées reçues, la production de lait est sans rapport avec les apports nutritionnels et la quantité de liquides absorbés par la mère. D’après Newman (2000), « les femmes sont en majorité parfaitement capables de produire tout le lait dont leur bébé a besoin pour au moins 4 à 6 mois et peuvent continuer à en produire plein pendant encore des mois et des années […]. La plupart des mères ont la capacité de nourrir des jumeaux et même des triplés et certains femmes ont une surabondance de lait. Seul un petit nombre de femmes ne produisent réellement pas assez de lait mais même ces femmes peuvent allaiter quoique pas exclusivement ».

L’insuffisance de lait « secondaire », plus fréquente, est généralement la conséquence d’une conduite inappropriée de l’allaitement ou d’une demande insuffisante de la part de l’enfant. Ces deux situations éventuellement intriquées sont à l’origine d’un calibrage à un niveau insuffisant de la production de lait par le biais du contrôle autocrine. Cette situation peut être prévenue par l’enseignement de bonnes pratiques d’allaitement (tétées efficaces, non limitées, à la demande) et le dépistage des situations à risque qui pourront bénéficier d’un suivi plus étroit et d’un accompagnement adapté. La prise en charge doit viser à optimiser la conduite pratique de l’allaitement. La décision de donner ou non des compléments et leur mode d’administration optimal sont à décider au cas par cas en fonction du contexte et des problèmes identifiés.

La perception d’un manque de lait est la situation la plus courante.

Le comportement « normal » d’un bébé au sein étant assez mal connu, le besoin de téter fréquemment est souvent interprété comme étant un problème et en particulier un problème d’insuffisance de lait. Une agitation importante chez le bébé, des crises de pleurs plus fréquentes et prolongées sont une source d’angoisse importante pour la plupart des parents. Des attentes souvent irréalistes, notamment en termes de nombre de tétées ou de sommeil de nuit, et un manque de confiance dans la capacité des mères et de leur entourage tant familial que professionnel à nourrir leur bébé en les allaitant de façon exclusive sont à l’origine de la perception d’une insuffisance de lait.

Les mères qui allaitent doivent être prévenues qu’elles risquent d’être confrontées à des périodes difficiles où elles auront l’impression de manquer de lait et douteront de leurs capacités à satisfaire les besoins de leur bébé. Les symptômes associent à des degrés divers (Newman, Pittman, 2000) une sensation maternelle de seins « mous » ou vides et d’un réflexe d’éjection diminué ou absent et un nourrisson en bonne santé et dont la croissance est satisfaisante mais qui a l’air tout le temps affamé et pleure sans raison. Ces périodes de sensation de manque de lait sont décrites dans la littérature sous le terme de « transient lactational crisis » (Hillervik-Lindquist et al., 1991 ; Sjolin et al., 1977 ; Verronen, 1982 ; McCarter-Spaulding, Kearney, 2001) et l’usage dans les pays francophones est de les désigner sous le terme de « poussées de croissance ». On a vu qu’il s’agit en fait plus probablement de « poussées de développement » pendant lesquelles l’enfant a besoin de plus de réconfort et de sécurité et donc de proximité physique.

Verronen (1982), dans une étude prospective d’un groupe de 150 mères, a observé la survenue d’une ou de plusieurs « poussées de croissance » chez 36 % des couples mère-bébé, durant les trois premiers mois de l’allaitement dans 75 % des cas. Les périodes duraient moins de quatre jours dans 61 % des cas et étaient surmontées avec succès pour toutes les mères, essentiellement en proposant le sein plus souvent (62 % des cas). Hillervik-Lindquist (1991) qui a suivi prospectivement 51 couples mère-bébé de 3 jours à 18 mois retrouvait ces périodes de perception d’insuffisance de lait chez plus de la moitié des mères (54,9 %), survenant dans 52,3 % des cas au cours des trois premiers mois, avec dans 60 % des cas un seul épisode, et deux épisodes ou plus dans 40 % des cas. Dans la mesure où il n’y avait pas de différence significative dans les volumes de lait consommé par les enfants pendant les périodes de crises comparativement à ceux mesurés une semaine après, les auteurs concluaient qu’il s’agit bien de la perception d’une insuffisance de lait et non d’une insuffisance de lait réelle, ce qui ne justifie ni l’apport de compléments ni l’arrêt de l’allaitement mais des encouragements et du soutien. McCarter-Spaulding (2001) dans une étude de 60 mères retrouvait une corrélation significative (p < 0.01) entre les scores de confiance en soi et de compétence dans les soins à son enfant et la survenue d’épisodes de perception d’insuffisance de lait.

Conclusion

L’arrêt précoce de l’allaitement dans les semaines suivant la naissance est plus probablement la conséquence de facteurs psychologiques et socioculturels et de pratiques inappropriées que d’une incapacité physiologique endémique à produire suffisamment de lait (Renfrew et al., 2000). L’insuffisance de lait « primaire » d’origine pathophysiologique est très rare. Dans la majorité des cas, il s’agit soit de la perception d’une insuffisance de lait, soit d’une insuffisance de lait secondaire, donc d’un phénomène transitoire et susceptible d’être corrigé par l’optimisation de la pratique de l’allaitement associée à des encouragements et un soutien visant à restaurer la confiance de la mère dans ses capacités à satisfaire les besoins de son bébé.

La prévention est la meilleure approche du problème ; elle repose sur l’enseignement et la pratique de tétées efficaces, non limitées, à la demande, et le dépistage des situations à risque.

Dans une culture où le poids des règles imposées par l’alimentation artificielle est si fort, où le besoin de définir des normes est si grand et où la quête de performance, reflétée chez un nourrisson par son aptitude à rester seul et à « faire ses nuits » précocement, est aussi obsédante, un besoin élevé de tétées du fait et de la physiologie de la lactation et des besoins pas uniquement nutritionnels des nourrissons a de fortes chances de se solder par un arrêt précoce de l’allaitement. Notre environnement socioculturel ne favorise pas la proximité mère/bébé et c’est pourtant le corollaire indispensable à la pratique d’un allaitement réellement à la demande

Pour dissiper enfin le mythe de l’insuffisance de lait, la formation des professionnels de santé et l’éducation des familles sont indispensables. Leurs objectifs sont de :

  • faire comprendre que des apports nutritionnels insuffisants ne sont ni la principale ni la seule cause d’agitation et de pleurs chez le nourrisson, que l’allaitement repose sur le principe de l’offre et de la demande et que les nourrissons sont capables de réguler leurs besoins pour peu qu’ils tètent de façon efficace et aient accès au sein sans restriction ;

  • faire savoir que la croissance des nourrissons allaités diffère de celle des enfants nourris au lait artificiel et qu’il faut se méfier de décisions inadéquates en cas de croissance qui pourrait paraître insuffisante ;

  • faire en sorte que les mères n’adoptent pas des comportements conformes à des attentes culturelles irréalistes en matière d’allaitement et de comportement du nourrisson et dont la conséquence est de restreindre le nombre de tétées.

Biblio
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Notes

[*]

Gisèle Gremmo-Féger, pédiatre, consultante en lactation ibclc , chu de Brest.

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 10:47

Source :

http://jenaipasconsenti.tumblr.com/post/111186056388/mon-consentement-cest-pas-negociable

La récente polémique autour de la pratique des examens intimes réalisés à but de formation par des étudiants en médecine sur des patients anesthésiés a montré que la notion de consentement était encore parfois mal comprise, et mal acceptée voire totalement déniée.

Consentir, ce n’est se pas taire, ce n’est pas seulement prononcer le mot “oui”. Consentir, c’est décider pour soi-même, en son âme et conscience, après avoir été informé-e d’une façon complète, sincère, sans pression morale, et sans violence.

Cela fait 4 ans que je reçois des témoignages divers en faisant vivre le site Les Vendredis Intellos. Beaucoup de femmes y ont raconté comment, parce qu’elles attendaient un enfant, parce qu’elles en espéraient un, parce qu’elles n’en voulaient pas, se sont vues réduites au statut d’utérus sur pattes. Dans beaucoup d’épisodes rapportés le consentement était inexistant, parfois il était soutiré, sous contrainte, menace, et faisait donc cruellement défaut. Ces situations sont “banales”, “ordinaires”, mais non moins révoltantes. Les femmes pensent trop souvent qu’elles sont normales, que c’est le tribu des femmes que de devoir souffrir ainsi. Voici quelques uns de leurs échos…

Quand on m’a dit que j’étais une mère indigne de refuser le dépistage de la trisomie 21 pour mon bébé à naitre, je n’ai pas consenti.

Quand on a invité une kyrielle d’étudiants à venir assister à mon accouchement et à regarder mon sexe ensanglanté, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a appuyé sur le ventre, pour sortir mon bébé en dépit de la dangerosité de ce geste, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a fait une épisiotomie, sans même me prévenir parce que j’aurais pu me “retenir”, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a dit que j’allais tuer mon bébé à vouloir accoucher sans césarienne d’un siège, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a dit que si je ne voulais pas de péridurale, je n’avais qu’à aller accoucher dans la jungle, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a dit d’arrêter de faire ma chochotte quand, lors d’un toucher vaginal en plein travail, on a tenté de forcer l’ouverture de mon col, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a tapé sur les fesses en descendant de la table d’examen du gynécologue, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a menacée de forceps parce que je ne poussais pas assez fort, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a enlevé ma culotte pour m’examiner alors même que j’étais en plein malaise vagal, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a dit que si je voulais avoir recours à une sage femme libérale pour un accouchement à domicile on me dénoncerait à la PMI, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a dit que si je continuais à poser des questions, je n’avais qu’à aller me faire suivre ailleurs, je n’ai pas consenti.

Quand on m’a fait un décollement de membrane, sans m’avertir, parce que c’était veille de départ en vacances et que ce serait cool que j’accouche vite, je n’ai pas consenti.

Le consentement, est une notion essentielle, une notion qui nous permet de vivre ensemble, dans le respect des uns et des autres. Il y a encore 20 ans, la notion de viol conjugal était inexistante (le consentement étant supposé acquis entre époux), il y a 15 ans il était inconnu dans la sphère médicale (Loi Kouchner sur le consentement, 2002), c’est une notion vivante, qui vise la construction d’une société plus douce pour ceux qui décident d’y prendre part. Marchons ensemble!

Béatrice Kammerer

Si vous avez un témoignage lié au défaut de consentement dans les actes médicaux, vous pouvez cliquer sur “Soumettre un témoignage” dans la colonne de gauche ou envoyer un mail à l’adresse tvsousag@gmail.com.

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13 juillet 2013 6 13 /07 /juillet /2013 20:25

Source : www.lamedecinedesfemmes.com/art_alchimie.html


par Mona Hébert, homéopathe, naturopathe, herboriste

 

Pour certaines, cette période se passera sans trop d’histoires tandis que d’autres affronteront des tempêtes. L’étape de la procréation révolue, le cycle se transforme et libère en nous des énergies créatrices qui ouvrent la porte à une nouvelle forme de fécondité. Ainsi, chaque femme peut renaître et entrer dans son propre pouvoir. 


Je suis en ménopause, à l’heure des grandes questionnements. Mes rêves cachés refont surface et livrent de nouveaux aspects de moi-même. C’est un voyage bien au-delà des hormones, un appel intérieur intense qui porte en lui-même son propre itinéraire et les moyens de le réaliser. On essaie de nous faire croire qu’il faut traverser cette période comme si de rien n’était, par la magie d’une simple pilule, alors que la clé est dans l’acceptation de ce changement, le lâcher prise et l’amélioration de son mode de vie. Dans un contexte social où l’on n’honore plus le sens sacré des transformations, où les déesses sont des adolescentes et où l’on cache les vieux, on se demande où sont les conseils de sages, les sociétés secrètes de vieilles femmes qui pourraient nous éclairer sur ce passage.


Le feu intérieur

Les bouffées de chaleur sont la plainte principale des femmes, mais aussi la plus grande métaphore de la ménopause. Elles parlent de cette énergie de feu qui monte en nous. Une énergie sauvage et animale qui peut servir de canal pour libérer sa parole et s’affirmer. C’est une implosion dont on ne balise pas le territoire et qui nous met en face de changements à faire dans nos vies, changements qui, autrement, seraient mis en veilleuse ou réprimés. Les bouffées de chaleur, c’est comme un volcan qui fait éclater nos frontières, un grand accélérateur de conscience. On mue comme le serpent, on brûle sa vieille peau et on se détache de ses peurs pour donner naissance à la femme qu’on a toujours voulu être. Accepter cette métamorphose, c’est vivre toute l’alchimie de la ménopause.


Face à son ombre

On vit bien souvent cette période en solitaire. Il nous faut apprivoiser cette vieille femme qui nous habite de plus en plus, faire face symboliquement à sa propre mort, s’interroger sur le temps à venir. Ce face-à-face avec son ombre est un appel au détachement. Il nous invite à laisser derrière tout ce qui n’est plus nécessaire pour renaître à notre déesse intérieure. C’est un temps où l’on peut vivre des deuils, celui de ses parents, celui de son rôle de mère. Dans ce chant de tristesse, on côtoie sa mort, souvent pour la première fois. Dans la recherche d’une nouvelle identité, on demeure confuse et partagée entre la crainte et la célébration, le découragement et la renaissance. L’expérience de vieillir comme on la connaît a besoin d’une mise à jour.


Rites de passage

Dans certaines cultures ancestrales, la ménopause était vue comme l’atteinte d’un haut niveau d’initiation et de pouvoir. Les femmes mûres étaient souveraines et avaient droit de regard sur toutes les décisions de la tribu. Elles n’avaient pas peur de dire non à tout ce qui ne servait pas la vie. Elles initiaient et éduquaient aussi les plus jeunes femmes au respect des grandes forces vitales. Ce rôle d’influence s’appuyant sur des générations de sagesse féminine, nous pouvons le jouer encore aujourd’hui. Il est primordial de réaliser et d’assumer que nous sommes les gardiennes et les protectrices du monde.

Chez nous, la femme vieillissante se voit de plus en plus confinée à un rôle aliénant. On voit négativement la diminution de production d’oestrogènes, les carences possibles en calcium de notre corps, si bien que la ménopause n’est plus associée qu’à la perte de la féminité. Pourquoi ne fait-on pas confiance au discernement de notre corps? On n’accepte plus ses rythmes biologiques, on veut tout uniformiser. On a peur des processus naturels, des émotions, des désirs. Comme si on ne pouvait pas se fier à des milliers d’années d’expérience de vie féminine et qu’il fallait qu’on vienne nous dire encore comment faire pour assumer la maturité! Je vois tous les jours, dans ma pratique, le prix que les femmes paient à même leur santé pour ce divorce entre l’être et le corps.


L’industrie de la peur

On a fait de la ménopause une maladie menant à la décrépitude. Il ne reste alors d’autre espoir que le recours aux hormones synthétiques miraculeuses. Promesse d’éternelle jeunesse, chantage émotif quant à la capacité de séduction perdue, agitation du spectre de la rose fanée. On a semé la peur chez les femmes! L’opinion médicale nous pousse dans un piège dont la seule issue est pharmaceutique.

Pour Maguy, une de mes patientes, la visite de routine chez sa gynécologue -- une femme de surcroît -- s’est transformée en expérience traumatisante: «Il y a des risques à ne pas suivre de traitement hormonal à partir de la ménopause: cancer du sein, de l’utérus, ostéoporose, dessèchement de la peau, des tissus vaginaux, vieillissement prématuré...».

En Amérique du Nord, 50 millions de femmes seront en ménopause en l’an 2000; une femme sur deux en 2015... Les enjeux économiques sont fabuleux. Les ventes annuelles de Prémarine®, l’hormone synthétique la plus prescrite, frôlent déjà le milliard de dollars. Toute une industrie est mobilisée contre le vieillissement des femmes: géants pharmaceutiques investissant des sommes astronomiques dans la recherche; fabricants d’équipements de plus en plus sophistiqués et, bien sûr, plus coûteux pour des tests (mammographies, radiographies, etc.) de plus en plus pointus; commerçants d’hormones, d’antidépresseurs, de produits de beauté... Les intervenants dans notre santé se multiplient, tous voulant notre bien! Et les médecins contribuent à faire tourner la roue: ce sont eux les premiers dans la chaîne, qui prescrivent tests et médicaments. Mais ils déchantent quand explose la bombe à retardement des effets secondaires de ces médications. Ils ont beau prétendre que les avantages statistiques de l’hormonothérapie en compensent les inconvénients individuels -- mêmes mortels! -- leur cheval de bataille se transforme peu à peu en cheval de Troie... Quelle est l’étape suivante? La femme transgénique?

Devant un tel tableau, de plus en plus de femmes se tournent vers les plantes médicinales pour les soutenir durant leur ménopause. Et comme les compagnies pharmaceutiques ne peuvent faire breveter ces plantes de manière à en conserver le monopole, leur stratégie est de faire breveter des procédés exclusifs d’isolement et de transformation en laboratoire de leurs principes actifs. L’astuce publicitaire consiste à présenter les hormones synthétiques ainsi obtenues comme étant «d’origine naturelle» et à en qualifier les molécules de «bio-identiques» puisqu’elles ont chimiquement la même structure que les hormones féminines. On nous les propose ensuite, assorties d’un suivi médical régulier et d’une multitude de tests à l’appui. On ne mentionne jamais les coûts réels de ce «monitoring hormonal», on ne parle pas du fait qu’il installe une dépendance à vie avec le système médico-pharmaceutique, on ne dit pas qu’il sabote le programme génétique de notre corps en l’amputant artificiellement d’une de ses phases d’évolution essentielles: celle du passage à la maturité.


La libido

En début de ménopause, on observe fréquemment une baisse de la libido et une diminution des sécrétions vaginales. Ces deux phénomènes font écho à notre profond besoin de retrait dans notre grotte intérieure alors que les périodes d’ovulation s’espacent et, avec elles, les pics de désir qui les caractérisaient. Il s’agit d’une phase d’adaptation du corps à une nouvelle réalité. Une fois libérée du souci de la contraception, la libido peut renaître, s’intensifier, prendre des couleurs nouvelles, plus vraies, plus profondes, grâce à une concentration désormais plus élevée d’androgènes dans le corps.

Quelques conseils pour retrouver ou conserver sa vitalité sexuelle:
  • Se rappeler que le plaisir est le meilleur moyen de cultiver le désir.
  • Faire de l’exercice, le meilleur catalyseur de l’énergie sexuelle. La méthode de Sex-Yoga est un stimulant idéal.
  • Adopter une alimentation riche en acides gras essentiels (huile de lin, de poisson, d’onagre, de bourrache, etc.) ce qui favorise la circulation des endorphines.
  • S’assurer d’une alimentation riche en phytoestrogènes qui régularisent, nourrissent et stimulent les pulsions sexuelles.
  • Prendre de l’avoine fleurie pour nourrir et assouplir les tissus vaginaux et stimuler la lubrification du vagin.
  • Utiliser des lubrifiants naturels comme la vitamine e liquide, l’huile de calendula, l’onguent de consoude, l’huile de lin ou d’onagre, le gel d’igname sauvage.
Nos meilleures alliées

Chaque femme est unique. On doit aborder la ménopause avec une vision globale et individualisée. En prétendant corriger nos malaises seulement par les hormones, on oublie qu’ils sont liés à bien d’autres facteurs qu’on doit corriger à la base: prendre plus de temps pour soi, incorporer dans son quotidien des aliments nourrissants, pratiquer la danse, le yoga ou le tai-chi, et minimiser le stress familial et social. Cette période d’anarchie hormonale nous prédispose à une intensification de nos malaises chroniques accumulés, qu’on confond bien souvent avec les symptômes de la ménopause. L’impact global d’une prescription homéopathique bien individualisée sera très bénéfique pour mobiliser nos ressources.

À la ménopause, la nature a prévu un merveilleux mécanisme pour remplacer la baisse des sécrétions ovariennes: les surrénales, appuyées par le foie et les cellules adipeuses prennent la relève; la stratégie indispensable pour une ménopause en santé est de les soutenir parce que, chez bien des femmes, ces fonctions sont épuisées par la pollution, le stress et une mauvaise hygiène de vie. Pour y remédier, les plantes médicinales seront nos meilleures alliées.
  • Pour les surrénales: l’ortie, l’astragale, la réglisse, le ginseng;
  • Pour le foie: le chardon-marie, le pissenlit, la bardane;
  • Pour le système nerveux: l’avoine fleurie, le millepertuis, le kava, la valériane;
  • Pour une présence suffisante d’enzymes dans l’intestin, afin de transformer efficacement les aliments en substances hormonales: le yogourt nature bio, le kéfir, les bactéries lactiques ou probiotiques.

Les phytohormones (ou hormones végétales)

Les phytohormones sont des substances végétales dont les structures moléculaires sont semblables à celles des hormones humaines, ce qui leur permet de s’insérer à leur place dans nos récepteurs hormonaux pour y exercer une influence similaire ou inhibitrice, selon nos besoins. Certains types de phytohormones agissent en tant que régulateurs des sécrétions de l’hypothalamus et de l’hypophyse qui, à leur tour, régissent l’équilibre hormonal. Mais les phyto-hormones les plus importantes pour les femmes sont les phytoestrogènes, car ces dernières se fixent aux récepteurs d’oestrogènes comme une clé dans une serrure. Leur fonction est double: s’il y a carence d’oestrogènes, elles peuvent satisfaire les besoins hormonaux; s’il y a surproduction, elles neutralisent les oestrogènes en les empêchant de prendre place sur les récepteurs qu’elles occupent.

Les phytoestrogènes nous protègent donc non seulement contre les risques de carence hormonale mais encore plus contre ceux associés à la production excessive d’oestrogènes. Un tel surplus peut en effet causer de graves problèmes gynécologiques: endométrioses, kystes, cancers du sein ou des ovaires. Même sur de telles pathologies, les phytohormones ont un effet bénéfique, en rééquilibrant notre système hormonal, elles préviennent aussi l’ostéoporose. Malgré leur efficacité, elles ne contiennent qu’un faible pourcentage d’hormones; elles sont donc sans impact indésiré sur les maladies rattachées à la production d’oestrogènes.

Comme élément clé d’une stratégie de support à la ménopause ou comme mesure de sevrage et de remplacement de l’hormonothérapie traditionnelle, les phytohormones sont en train de faire une vraie révolution. À tel point que, dans des pays comme l’Allemagne, on a presque abandonné la prescription d’hormones synthétiques. On parle actuellement des phytohormones comme s’il s’agissait d’une découverte. Leur existence est pourtant connue et leur usage validé depuis des siècles par des millions de femmes à travers le monde, qui attestent de leur efficacité pour beaucoup de symptômes associés à la ménopause.


• Les plantes riches en phytohormones et leur indication

Les phytohormones alimentaires peuvent être prises indéfiniment puisqu’elles font partie d’une saine alimentation. Quant à celles d’appoint, c’est-à-dire que l’on prend pour atténuer un symptôme en particulier, la durée du traitement pourra varier selon la plante utilisée et l’état de santé de la personne. Règle générale, quand le symptôme est disparu, on peut arrêter le traitement, évaluer ses réactions et recommencer au besoin. On peut alterner entre certaines plantes ou les combiner, sans oublier de respecter les contre-indications.


  L’actée à grappes noires (Cimicifuga racemosa)

L’actée, originaire de l’Ontario, est sans contredit la plante dont les applications pour la ménopause ont été les plus étudiées et les mieux documentées. En Allemagne, elle fait l’objet d’une prescription médicale de routine pour atténuer les bouffées de chaleur, les sueurs, la sécheresse et l’atrophie vaginale, diminuer l’insomnie, la nervosité et la dépression associées à la ménopause. On la prescrit aussi dans les cas d’hystérectomie et on croit qu’elle pourrait être efficace dans la prévention et la réduction de l’ostéoporose.

Les phytohormones de l’actée à grappes noires sont reconnues comme étant au moins aussi efficaces, et souvent plus, que les hormones synthétiques, le tout sans effets secondaires statistiquement signifiants. Et il n’existe aucune contre-indication pour les personnes ayant un fibrome, souffrant d’endométriose ou d’un cancer (du sein ou de l’utérus) ou ayant des antécédents semblables.

L’actée a la particularité d’être une régulatrice hormonale.

Les Amérindiennes connaissent ce rhizome depuis plus de 10000 ans et l’utilisent notamment pour régulariser le cycle menstruel mais aussi comme antispasmodique pour calmer les crampes menstruelles et les douleurs de l’accouchement. Ces «femmes sages» nous ont aussi initiées à ses autres propriétés médicinales; anti-inflammatoire, sédative, anodine (qui réduit les douleurs), hypoglycémiante, expectorante et hypotensive.

Posologie: Comme pour toutes les plantes médicinales, les quantités à prendre varient selon la personne.
En général, en extrait sec, on en ingère 600 mg par jour.

En teinture et en extraits liquides, tout dépend de la concentration. En dilution homéopathique, elle est indiquée pour traiter toute la sphère endocrino-génitale et l’hyperémotivité.

Contre-indications: Attention! L’actée est un tonique utérin. À éviter durant la grossesse (sauf durant les dernières semaines) et l’allaitement.


  Le trèfle rouge (Trifolium pratense)

Le trèfle rouge de nos champs contient la phytohormone la plus puissante, le coumestrol. Cela nous le rend précieux pour traiter tous les symptômes de la ménopause et tous les problèmes gynécologiques liés aussi bien au manque qu’aux surplus d’oestrogènes: troubles menstruels, endométriose, kystes ovariens, cancer du sein, etc.

En plus du coumestrol, le trèfle contient des antioxydants réputés pour leur activité anticancéreuse. Le trèfle est aussi très connu comme purificateur du sang et de la lymphe. On comprend pourquoi il devient de première indication contre le cancer du sein: on le prend en prévention mais aussi pour les cas déclarés, en infusion ou en capsules, de même qu’à l’externe en décoctions de fleurs concentrées sur les lésions.

Posologie: En capsules, ingérer 300 mg par jour; en infusion de fleurs, boire à volonté.

On peut aussi manger les fleurs fraîches. (Noter que le feuillage est très concentré en principes actifs).


  Le vitex (Agnus castus)

Le vitex, ou gattilier, est le meilleur régulateur connu des sécrétions de l’hypophdométriose. Le vitex est aussi indiqué dès la puberté pour contrer l’aménorrhée, régulariser les cycles, atténuer le syndrome prémenstruel, rétablir la fertilité et favoyse et de l’hypothalamus qui régissent tout notre système hormonal. Il est particulièrement utile en début de ménopause pour harmoniser les cycles déstabilisés, diminuer les saignements anarchiques, atténuer les bouffées de chaleur, l’anxiété et la dépression, et prévenir l’enriser la lactation. Il aurait un effet bénéfique sur la libido.

Posologie: Le vitex étant lent à agir, on recommande une prise quotidienne ininterrompue d’au moins six mois, en continuant pendant deux mois après amélioration.

Les résultats apparaissent lentement à partir du quatrième mois. On le prend une demi-heure avant le repas du matin, généralement en une seule dose.

En teinture ou en extrait liquide, ingérer de 30 à 60 gouttes par jour. En capsules, 250 mg par jour.

Contre-indications: À éviter pendant la grossesse de même que si on prend des contraceptifs, de la progestérone ou toute hormone synthétique.

 

Un article tiré du

(édition septembre 1999).
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18 juin 2013 2 18 /06 /juin /2013 18:31

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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 19:06

"Moi, Normand Baillargeon, lointain cousin à vous du Québec, je suis dans ma verte province, professeur d’anarchie… Enfin, presque… Leçon et anarchie, vous trouvez cela contradictoire ? Ni Dieu ni maître et encore moins de leçon, grondent les vieux anars. Ouais, d’accord, mais vous oubliez tous ceux qui ne savent pas. Alors pour les néophytes, je vous propose un petit cours rapide à destination de ceux qui n’ont jamais vu la vie en noir. Pour les autres, voilà une occasion de réviser !

Imaginez un désordre infernal, un chaos terrible, une confusion monstrueuse. Vous y êtes ? Le premier journaliste venu parlera spontanément d’anarchie pour décrire la scène. Ca ne rate jamais. Ca, c’est de la pure anarcophobie ! Le bordel, c’est les autres, pas les anars dont je me flatte de faire partie. L’anarchisme désigne une tendance distincte de la pensée sociale, politique et économique moderne. Il prône une conciliation possible et souhaitable entre le socialisme et son principe d’égalité, et le libéralisme et son principe de liberté.

L’anarchisme cherche à réaliser cette ambitieuse synthèse notamment dans l’autogestion économique et la démocratie participative.

Par la première il récuse le profit et l’organisation hiérarchique du travail et préconise la solidarité et l’équité. Partage du stock plutôt que stock-option. Par la seconde, il refuse la délégation et prône la participation directe aux prises de décision.

Les anarchistes se présentent en diverses tendances - ils sont individualistes, collectivistes, mutualistes, syndicalistes et plus encore. Mais ils ont la sagesse de se méfier des plans d’organisation sociale ou économique arrêtés et clos, ainsi que des concepts absolus. Ils se refusent donc à assigner une limite aux arrangements sociaux et aux conditions de la vie humaine souhaitables, dont ils pensent que, dans des conditions de réelle liberté, ils s’exprimeront de plus en plus complètement. Les anarchistes pensent donc que la liberté, comme elle n’a cessé de le faire, inventera constamment des solutions nouvelles aux problèmes que son extension fera apercevoir et aux formes, également inédites, de domination qu’elle mettra en évidence.

C’est tout ? Presque.

Car l’anarchisme lutte aussi contre tout ce qui contribue à détruire la tendance des gens à se prendre en mains et il invite donc dès aujourd’hui à commencer à construire les prémices de la société plus libre et plus égalitaire de demain.

L’anarchisme, est donc aussi le refus, par l’action directe, de ces institutions qui cherchent à dominer, à subordonner et à tuer ce que Bakounine appelait notre ” instinct de liberté ” et qui encouragent la docilité, la passivité et la soumission. Il y a là, on le devine, de quoi être de nos jours passablement occupé et préoccupé.

L’anarchisme, à mon sens, pourrait bien être la seule alternative viable à la catastrophe universelle vers laquelle nous filons toutes voiles dehors et qui est bien, elle, le véritable chaos qu’il nous faut redouter."
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Normand Baillargeon (né en 1958) est professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), essayiste, militant libertaire, collaborateur de revues alternatives et auteur notamment du Petit cours d’auto-défense intellectuelle

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6 avril 2012 5 06 /04 /avril /2012 10:44

Trouvé ici, sur le site d"On peut le faire", un texte lumineux et dérangeant de France Guillain, auquel j'adhère à 100% !

 

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« Trop de sécurité rend stupide », ainsi pourrions-nous résumer la thèse de France Guillain, globe-trotter impénitente. Vivre pleinement, c'est accepter de prendre des risques et de renoncer aux fausses sécurités de la vie moderne.

Dans notre cerveau, comme chez tous les êtres vivants, il existe ce que nous avons longtemps appelé la « zone de la récompense ». Aujourd'hui, les neurosciences nomment ce noyau accumbens, ou plus communément NAc. C'est un ensemble de neurones et de matière blanche intelligente qui assure à tout moment notre survie en nous envoyant des signaux de plaisir, de déplaisir ou de douleur. Si le NAc ne fonctionne plus, nous n'avons plus ni plaisir, ni douleur, nous ne sentons rien si l'on nous coupe la main.

Or, il ressort que plus ce noyau du cerveau est obligé de travailler, plus notre intelligence est vive. Inversement, moins il est sollicité et moins l'intelligence est vive. L'expérience montre qu'une poule d'élevage dont la survie est assurée par un enclos, la protection contre les prédateurs, la nourriture abondante, un abri contre les intempéries, une poule en totale sécurité qui ne fait plus travailler son NAc devient stupide. Placée dans un filet de foot avec de la nourriture de l'autre côté, elle passera la journée à courir d'un bord à l'autre du filet sans jamais avoir l'idée de le contourner pour aller chercher le grain. Elle n'aura pas l'audace de franchir les limites de ce qui est pour elle la barrière que l'on doit respecter. Une poule sauvage et même un poussin sauvage contourneront immédiatement le filet.

Les peurs qui nous emprisonnent

Il en va très exactement de même avec les humains. Peu d'êtres humains arrivent à sortir spontanément des limites que leur éducation leur a imposées. La surabondance de sécurités matérielles, contre les intempéries, dans les déplacements, la perte de vigilance alimentaire (on compte sur le ministère de la Santé), après avoir facilité la vie et permis de développement la pensée aboutit par excès, à l'effet inverse. À force de s'assurer contre tout, on n'est plus jamais responsable de rien et surtout pas de soi. La maladie est regardée comme une menace venue de l'extérieur. De toutes parts, on fuit la responsabilité et joue sur les mots, tel le « responsable, mais pas coupable » d'une ministre dans l'affaire du sang contaminé. Tout excès est préjudiciable. À force de ne plus penser qu'à la sécurité, ce qui au départ devait nous rendre plus humains aboutit à nous déshumaniser. Ce n'est jamais de notre faute, nous en perdons le coeur, l'intelligence même, la raison, nous passons à côté du bonheur !

Lorsqu'en 1967, époque bénie des trente glorieuses où personne ne pouvait manquer de travail, je m'apprêtais à traverser l'Atlantique avec un bébé de vingt jours sur un voilier de neuf mètres sans électricité, sans eau courante, sans même de téléphone ou de radio pour communiquer avec la terre, nous cherchions un équipier pour un mois. Juste un mois. Il nous semblait évident que tous les jeunes de notre âge seraient fascinés, ravis de faire une telle traversée, vers les Antilles. En effet, la fascination était là, très grande. Nous nous sommes adressés essentiellement à des jeunes qui étaient libres. Les réponses furent : « J'en rêve ! C'est extraordinaire ! Mais il y a ma copine, ma mère, ma voiture, ma moto, ma grand-mère, le chat, le chien... » Partir sur les mers pour un petit mois de traversée était le bout du monde, le fameux « filet impossible à contourner ».

Or, de récentes études en psychologie montrent que les regrets qui nous minent, ceux qui peuvent nous faire le plus de mal, ceux qui entament l'estime de soi et peuvent nous faire glisser vers la déprime et avec elle la maladie, ce sont les regrets non pas des bêtises que nous avons faites, mais les regrets de ce que nous n'avons pas osé tenter.

La jeunesse, ça s'acquiert

Seuls ceux qui sont assez fous pour croire qu'ils peuvent changer le monde y parviennent et gardent toute leur vie la puissance, la force, la passion de vivre, la vraie jeunesse. Dans Le Tiers Instruit (1), le philosophe, homme de sciences et académicien Michel Serres explique que nous naissons vieux et que la jeunesse se conquiert et s'acquiert. Il explique que pour évoluer nous devons traverser la rivière. Que jusqu'au milieu du fleuve, nous pouvons toujours faire demi-tour, revenir en arrière. Mais une fois franchie la moitié du parcours, nous ne pouvons plus faire autrement que d'avancer vers l'inconnu, atteindre l'autre rive. Avec le risque de mourir, de ne plus être reconnus par les nôtres, le risque même d'être rejetés, car nous avons changé, évolué. C'est pourtant la seule façon de grandir, d'ouvrir l'intelligence et le coeur d'un homme, d'un peuple, de l'humanité.

Une autre image est celle de l'enfant prodigue de l'Évangile. Un homme avait deux fils. L'aîné très sage, a fait tout comme papa. Il a travaillé à la ferme. Le second est parti à l'adolescence avec sa part d'héritage. Il a voyagé, vécu des expériences amoureuses, découvert le monde. Il s'est retrouvé sans travail, malade piteux. C'est alors qu'il est retourné chez son père pour y travailler. Son père, extrêmement heureux de retrouver le fils perdu organisa une grande fête qui scandalisé le fils aîné qui n'en avait jamais eu autant et piqua une belle crise de jalousie. Une interprétation un peu simple dit qu'il y a plus de joie pour une brebis égarée retrouvée que pour un troupeau entier resté au bercail.

Une analyse plus affinée montre que le père est très fier de ce fils qui a osé enfreindre la loi du père, de ce fils qui a pris tous les risques et en est sorti vivant. Car lui seul fait évoluer l'humanité. Le fils aîné est dans la simple reproduction, il reproduit à l'identique le père. Il ne fait pas avancer la conscience humaine. Le fils prodigue, lui, oblige tout le monde à se remettre en question, à réfléchir, à s'interroger sur le sens de sa vie. C'est tout l'enseignement de ces écrits, la loi est au service de l'homme et pas le contraire. La loi du père est faite pour être dépassée à chaque génération qui met à chaque fois la barre plus haut, qui créée de nouvelles lois qui seront à leur tour franchies. Ainsi va l'humanité passant de la peine de mort à son éviction, du mépris des pauvres et des malades aux droits de l'homme, du mépris de l'enfance au concept « le bébé est une personne ».

Mais où est donc passé notre goût de l'aventure ?

Tout cela passe nécessairement par la prise quotidienne de risques. Par le goût de l'aventure.

Boris Cyrulnik (2) nous dit qu'il y a deux sortes d'hommes, ceux qui sont rassurés de savoir ce qu'ils feront demain et ceux qui sont inquiets de savoir ce qu'ils feront demain. Il y a 2500 ans, Platon, dans le Dialogue de Critias déclarait : « Il y a trois sortes d'Hommes : les Vivants, les Morts et Ceux qui vont sur la Mer ! » Je fais résolument partie de ceux qui n'aiment pas du tout savoir ce qu'ils feront demain et de ceux qui partent sur la mer puisque j'ai passé 22 ans à la voile à travers les océans. Sans assurance d'aucune sorte, sans SAMU ni salaire garanti, sans assurance sur la vie ou sur la mort, sans aucune autre aide que moi-même pour me maintenir, ainsi que mes enfants, en bonne santé, étudier sans école, nous déplacer sans satellites avec une énergie gratuite : le vent. Du vent, rien que du vent !

Or il apparaît aujourd'hui que nous vivons dans un monde où la recherche de sécurité atteint des sommets. Des sommets aveuglants qui empêchent de voir, de comprendre, de penser, de réfléchir, de vivre tout simplement. Nous sommes bardés de sécurités plus ou moins obligées par la loi, sécurités qui, par leur surabondance, engourdissent notre esprit, tuent l'intelligence et la créativité, tuent l'imagination. Ainsi dans notre pays qui produit des diplômes de haut niveau, nous en voyons tous les jours qui cherchent du travail désespérément. Ces diplômes valent de l'or sur le reste de la planète. De plus avec Internet, la webcam et le téléphone, les avions, les distances n'existent plus, le monde est si petit ! Et bien, comme en 1967, on me répond « J'en rêve ! C'est extraordinaire ! Mais il y a ma copine, ma mère, ma voiture, ma moto, ma grand-mère, le chat, le chien... » et puis « je ne veux pas quitter ma ville, mon pays ». Alors, on ne pleure pas ! Désolée ! On assume son incapacité à être citoyen de la planète Terre, car c'est bien de cela qu'il s'agit. Nous ne pouvons pas continuer de nous multiplier et trouver du travail dans un espace déjà saturé de compétences. Un niveau de troisième en France vaut une maîtrise ailleurs. À condition de ne pas essayer de se faire payer le diplôme, mais les compétences !

À vouloir assurer sa sécurité de l'emploi, calculer chaque une retraite hypothétique, pouvoir tuer (en voiture) sans passer sa vie à trimer pour faire vivre la famille des survivants, pouvoir tuer (ou se tuer) en fumant, en buvant en toute quiétude puisque la Sécu paie, on finit par perdre sa dignité, son âme. On accepte toutes les humiliations, les mutilations, les lâchetés. Et en plus, on se sent coupable, minable et on sait qu'on a raison de le penser ! On perd peu à peu la passion, l'enthousiasme, la joie de vivre, l'émerveillement, la lumière dans les yeux.

Des bébés déjà conditionnés

Dès la petite enfance, nous sommes privés du plaisir de l'aventure et du risque. Cela commence par la grenouillère, le combiné que l'on met aux bébés. Vous connaissez ces combinaisons si jolies, en mousse élastique, ces sacs dans lesquels on enferme les bébés dès la naissance pour qu'ils n'aient pas froid, ni aux jambes, ni au ventre. C'est tellement mignon ! On dirait de vrais nounours pour jouer à la poupée ! Sauf que... Essayez d'imaginer que vous passez ne serait-ce que 24 heures d'affilée dans une telle combinaison. Vous ne pouvez pas écarter les doigts de pieds librement, vos orteils se plient peu à peu à la forme future des boîtes à pieds que nous nommons chaussure. Vous ne pouvez pas découvrir votre souplesse et votre corps en tétant votre gros orteil, vous ne pouvez pas explorer votre zizi ou votre nombril, vous ne pouvez pas sentir sur vos jambes l'air qui circule dans la pièce. Vous ne pouvez pas agripper le sol de vos orteils pour apprendre à marcher à quatre pattes. De plus, la couche merveilleusement absorbante vous garde les fesses et le sexe au chaud des journées et des nuits entières, ce qui est très dommageable pour votre santé (3) ! Vous passez votre vie entre berceau, baby-relax, siège bébé de voiture, poussette, parc, puis crèche, salles de classe, garderies, cours d'école, maison, pédiatre et PMI et j'en passe.

Or un enfant est fait pour vivre dehors, grimper aux arbres, nager, courir, jouer avec la terre et le sable (le vrai, pas celui d'un bac à sable !), sa peau doit recevoir la lumière naturelle hiver comme été, mais on a peur qu'il ait froid et on lui collants, joggings, pantalons, toujours pour sa sécurité. Une sécurité factice puisque les jeunes enfants n'ont jamais eu les os aussi fragiles qu'aujourd'hui, par manque de rayonnement solaire sur leurs jambes, ce qui n'était pas le cas en 1960 ! Songez qu'un bébé, un jeune enfant, passe chaque jour de la maison à la crèche ou à l'école, se déplace dans des cages ambulantes que l'on nomme vêtements, ne montre que le visage et les mains à la lumière solaire que le temps des récréations « quand le temps le permet ! » On ne prend aucun risque, même pas celui de s'enrhumer, ce qui d'ailleurs n'empêche rien, au contraire !

Pourquoi s'étonner alors si à l'adolescence, comme le fils prodigue, les jeunes se mettent en danger, ne serait-ce que pour se servir normalement de leur cerveau ? Pour se sentir exister. Pour se sentir vivants. Cela explique aussi pourquoi aujourd'hui nous assistons à des défis de plus en plus osés, tels la traversée des océans à la rame, en planche à voile, à skis. C'est admirable, mais pas toujours indispensable. Lorsque qu'il y a 50 ans, le docteur Alain Bombard se laissait dériver sur son canot à travers l'Atlantique, ce n'était pas pour relever un défi, mais tout simplement pour étudier les conditions de survie des navigateurs en perdition. C'est à Alain Bombard que nous devons la qualité de nos radeaux de survie.

Plus que jamais, aujourd'hui, nous vivons l'aventure et le risque à travers une poignée de fous de l'aventure, mais aussi et malheureusement par la violence des films et de l'information, ce qui nous conforte dans la légitimité de toutes les assurances dont nous nous entourons. Ce qui aussi nous empêche d'agir, d'imaginer des solutions, d'imaginer des actions qui pourraient aider l'humanité à vivre mieux.

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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 16:15

 

Je suppose que tout le monde connaît ce merveilleux ouvrage empli de modération, de nuances et de sagesse qu'est   "Le Conflit,  la femme et la mère" d'Elisabeth Badinter ? Plus besoin de vous présenter le genre de vérités qu'elle nous sert, comme par exemple :

"Je ne suis pas contre l’allaitement et pense même que le lait maternel est parfaitement adapté, mais pas pendant six mois et à la demande du bébé, comme le recommande l’OMS et d’autres experts !"

ou bien encore :

"Le biberon, je n’hésite pas à le dire, a été un objet moteur de l’égalité des sexes à l’intérieur des familles."

 

Bref.

 

Je suis tombée sur cet article, qui constitue une intéressante réponse de la part de Sarah Blaffer Hrdy,  anthropologue et primatologue, membre de l'Académie des Sciences, qui s'est penchée sur les thèses d'Elisabeth Badinter. Pour la chercheuse américaine, réfuter l'existence d'un instinct maternel ne tient pas la route scientifiquement. 

 

Voilà un propos nettement plus nuancé, moins caricatural que l'outrance de Mme Badinter qui, je trouve, a le vieillissement intellectuel plutôt laborieux et tranchant.

 

C'est par ici :

 

 

http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20100212.BIB0253/une-chercheuse-americaine-repond-a-elisabeth-badinter.html

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1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 00:32


Un article ô combien intéressant du Dr Marc Girard, dont je vous invite à consulter régulièrement le site.


Un passage en revue des traumatismes souvent inutiles, quand ils ne sont pas néfastes, auxquels est soumis le corps féminin de la part de la médecine.


Pour rappel, Marc Girard est médecin, mathématicien, psychothérapeute et expert judiciaire européen en médicaments à l'AEXEA.





Je n’ai cessé de le dire : le scandale de la grippe "porcine" n’est qu’un épiphénomène dans un processus de médicalisation bien plus profond - qui se trouve au coeur de ma réflexion et de mon engagement.

Le présent article ne date pas d’hier et a déjà bien circulé sur le net ; mais au cours des rencontres publiques qui ont scandé ces dernières semaines, les thèmes qu’il abordait déjà ont fréquemment refait surface, suscitant d’autant plus d’intérêt que, dans le scepticisme suscité par la grippe "porcine", il est devenu soudain plus facile d’inciter les gens à reconsidérer les pratiques de la médicalisation moderne.

Je replace donc cet article dans l’actualité des textes que je souhaite faire connaître aux citoyens.

Un univers inversé

Quand je pense à la médicalisation du corps féminin, je suis frappé par quelque chose de sinistre : tout cela s’est constitué comme un inquiétant univers inversé, comme une sorte de monde à l’envers effrayant où les impulsions les plus élémentaires et les moins contestables de notre nature sexuée sont comme systématiquement mises hors jeu, remplacées qu’elles se trouvent par des rituels caricaturalement antagonistes. Facilement objectivable par le spécialiste de recherche clinique, c’est bien cette dimension de caricature, de trop, qui ne laisse pas de préoccuper et d’exhorter le freudien à l’interprétation.

 

Prenons le jeu pourtant élémentaire du regard et de la pudeur : l’homme – il est construit comme cela – cherche toujours à en voir plus que la femme n’est disposée à lui montrer, et la séduction est d’abord la conquête par le regard d’une intimité progressivement dévoilée. Même sans y avoir été invité par une jupe trop fendue ou un décolleté un peu profond, l’homme – certes à ses risques et périls – s’ingénie à reconstituer l’anatomie féminine fût-elle dissimulée par la plus grossière des étoffes. C’est comme cela, probablement un peu partout, sauf en terre médicale : la pudeur et la séduction n’ont plus aucune raison d’être dès qu’on franchit les limites d’un service de gynécologie. Aux consultations du Planning familial, la plus splendide des gamines [1] était requise de se déshabiller complètement dans une cabine, d’attendre la lumière verte et de se présenter entièrement nue, durant toute la consultation, devant un individu en blouse blanche généralement parfaitement inconnu et interchangeable d’une consultation sur l’autre. Il fallait donc en passer par là, par cette stupéfiante mise en scène du désir évacué, pour obtenir le sésame d’une sexualité « libérée ». Or, quelle justification technique pour ce rituel dégradant ? Aucune : l’intérêt de la consultation préalable avant prescription de pilule est tellement problématique que l’on a envisagé un temps de la supprimer et, en tout état de cause, les paramètres pertinents en matière de contre-indications relèvent plus de mesures chastes (prise de poids ou de pression artérielle) ou d’examens complémentaires (prise de sang) que d’évaluations fondées sur un attentat à la pudeur.

 

Autre exemple de pulsion élémentaire : la possessivité mâle. Chez les mammifères en général, et les hommes en particulier, l’adrénaline monte très vite quand un mâle voit un autre mâle s’approcher d’une femelle sur laquelle – à tort ou à raison – il estime disposer de certaines prérogatives. Ça a toujours été comme cela – ça soustend même une bonne part des théories de Darwin –, sauf à l’hôpital. Entrez dans une salle d’accouchement. Le mari est là (c’est un acquis paraît-il précieux de l’obstétrique moderne), on lui a même fait revêtir la tunique blanche des agresseurs.

Sa femme est là, elle aussi, entièrement nue encore une fois et tout le monde l’agresse : on la force à rester allongée quand aucune femme n’aurait jamais spontanément l’idée incongrue de s’allonger pour accoucher, de toute façon on a pris soin de l’attacher dans l’improbable cas où elle voudrait bouger, on lui rase les poils de la vulve [2] on l’engueule si elle se plaint trop (accouchement « sans douleur » oblige) et on va finir par lui taillader la vulve. Et dans cette séquence d’une sauvagerie inouïe, que fait le mari ? Il se pâme d’émotion, se confond en remerciements à l’égard des brutes qui s’acharnent sur son épouse, sans apercevoir que de tels actes de barbarie sur une femme innocente justifieraient un meurtre dans n’importe quelle autre circonstance.

Or, quelle justification technique, là encore ? Aucune : les rares investigations disponibles confirment l’idée de bon sens que l’accouchement en position accroupie est infiniment plus eutocique que l’accouchement en décubitus, et je reviendrai plus loin sur la monstrueuse absurdité de l’épisiotomie. De plus, et tout en attendant avec beaucoup d’impatience la ou les études qui démontreront l’intérêt du rasage vulvaire, réfléchissons de façon un peu rationnelle à cette obsession de l’asepsie en obstétrique. Juste avant la naissance, un nouveau-né se présente comme un être absolument vierge bactériologiquement, à ce titre extrêmement vulnérable à toute contamination microbienne ; dans cette situation exceptionnelle, la filière vaginale – quoique objectivement grouillante – n’est pas cette zone plus ou moins accréditée comme immonde par des décennies de médecine et de microbiologie, mais une voie de passage providentielle au travers de laquelle le corps du bébé va se voir massivement colonisé par ce qu’on peut concevoir de plus « ami » en matière d’interactions bactériennes – les germes de sa mère ; on peut admettre sans grand effort qu’en matière d’amitiés microbiennes bilatérales, les germes du père, ensuite, méritent une inscription de second rang – et que de toute façon, qu’elles soient maternelles ou paternelles, les inévitables potentialités pathogènes liées à toute cette circulation bactérienne ou mycosique seront contrôlées au mieux par tous les transferts immunologiques inhérents à l’allaitement naturel. Or, c’est précisément cette dynamique subtile d’écologie microbienne que le cérémonial obstétrical s’applique à réduire à néant, en contrariant – par des mesures censément « hygiéniques » dont l’intérêt n’a jamais été si peu que ce soit validé – les colonisations amies et en maximisant l’exposition du bébé à des germes d’origine hospitalière. Certes, il n’existe pas, à ma connaissance, d’étude épidémiologique démontrant que le risque d’infection néo-natale soit réduit par un accouchement non hospitalier [3], mais il semble clair que, dépourvu du moindre intérêt technique documenté, le cérémonial obstétrical classique maximise ce qui reste, pour une grossesse d’évolution normale (il y en a encore…), le risque numéro un de la période néo-natale : l’infection.

On voit, sur la base de ces deux exemples, qu’il s’agit bien de ritualisations perverses et non pas de procédures garanties par l’exigence hippocratique de chasteté dans la relation thérapeutique : il n’y a rien de chaste dans le fait de forcer une jeune femme, éventuellement vierge, à se présenter entièrement nue, surtout lorsqu’il est patent que cette humiliation ne correspond à aucune contrainte technique. A titre de contre-exemple évocateur, on citera le cérémonial de la cure freudienne dans lequel l’intimité dévoilée (mais progressivement !) n’est même pas incompatible avec la circulation du désir via transfert et contre-transfert, puisque ce désir est, lui, authentiquement contraint par une exigence de chasteté dont la justification technique va de soi.


Une inversion à sens unique

Cette propension de la médecine à mettre en oeuvre, sans le moindre motif technique, des rituels d’inversion qui bafouent la dignité sexuelle de la femme est d’autant plus frappante que symétriquement, les médecins sont le plus souvent aux abonnés absents quand leurs savoirs les mettraient en position de réintégrer, ou de renforcer les individus dans leur intégrité sexuelle. Deux exemples là encore :
- Il existe, à l’heure actuelle et chez des milliers de jeunes femmes, une immense misère sexuelle dont on parle étonnamment peu, à savoir celle liée aux mycoses génitales récurrentes. Sur cette question, la doxa médicale me paraît là encore marquée par une préoccupante irrationalité. Je ne connais aucune étude sérieuse validant la thèse du « foyer digestif » (qui a été cependant la providence des marchands d’antimycosiques per os) et, elle non plus validée par aucune étude, la recommandation de traiter le partenaire défie la raison : par rapport à un désordre patent de l’écologie des germes commensaux, ça rime à quoi de prendre le risque que les levures avec lesquelles l’homme viendra nécessairement recontaminer sa partenaire aient éventuellement acquis des résistances aux anti-fongiques ?… En revanche, nous savons que la cause actuellement la mieux identifiée de déséquilibre écologique pour la flore vaginale est bel et bien la pilule, et l’expérience suggère que l’éradication de cette cause se traduit le plus souvent par des guérisons spectaculaires : mais même à notre époque de « libération » supposée, les jeunes femmes, apparemment, n’ont pas droit à unei nformation claire quant aux inconvénients iatrogènes de la contraception orale sur leur équilibre sexuel [4] [5].
- L’autre exemple concerne cette misère encore plus pathétique des jeunes mères, innombrables elles aussi, qui ne parviennent pas à allaiter leur enfant faute de produire du lait en suffisance. Il suffit de feuilleter les manuels de périnatologie pour apercevoir, de par la variété des remèdes proposés (la bière…), la fréquence et la régularité d’un problème dont on sait comme il peut être vécu par les intéressées avec angoisse, humiliation et désespoir. Or, alors que tout le monde sait que l’ocytocine est l’hormone-clé de la montée laiteuse, personne ne semble s’être avisé que l’orgasme en est le moyen de libération le plus sûr et le moins cher. Vous me direz, évidemment, à six tétées par jour, le pré-requis orgasmique risque de se révéler éprouvant : mais outre que cela reste à voir et que c’est une question de choix personnel, l’expérience suggère qu’il n’en faut pas autant pour rassurer la jeune femme et l’ancrer dans le sentiment de sa suffisance comme mère nourricière. En tout état de cause, c’est aussi un moyen plus facétieux et moins humiliant que le rituel de la salle d’accouchement pour associer le père à la cogestion du postpartum …

Cette agression ritualisée de la dignité physique et sexuelle de la femme n’est qu’une mise en actes d’un état d’esprit bien plus général et profond qui conduit à nier tant la perplexité de l’homme devant la féminité que son inépuisable fascination pour l’esthétique du corps féminin.

Une presqu’île insipide

Par opposition à la perplexité avouée de Freud pour le fameux « continent noir », on pourrait dire que dans l’axiologie médicale classique, la féminité c’est au mieux un village de plaisance – ou une presqu’île insipide. La médecine, en effet, n’est jamais en panne de réponse quand il s’agit de délimiter les territoires du féminin. Comme moi, sans doute, vous avez appris qu’en cas de dysgénésie gonadique à la naissance, il était plus facile d’envisager la reconstruction chirurgicale d’une femme que celle d’un homme : mais quoi de « féminin » dans la reconstruction finale ?

En tout état de cause, dans les grimoires médicaux, l’équation du féminin est le plus souvent du premier degré – et sans inconnue. S’interroge-t-on – ce qu’on ne fait pas assez souvent – quant aux effets de la contraception orale sur la libido féminine que l’on se voit répondre que chez la femme, l’essentiel se passe dans la tête : c’est d’ailleurs vrai que quand on s’applique à obtenir par des moyens hormonaux symétriques le même type de contraception chez l’homme, les vomissements incoercibles ou les troubles de l’érection sont des stigmates plus voyants du pouvoir des glandes sur la sexualité humaine …

Quoi qu’il en soit et nonobstant cette concession au symbolique finalement assez exceptionnelle en médecine, la femme de 50 ans et plus redevient une femelle purement estrogénodépendante quand il s’agit de justifier un traitement hormonal de substitution (d’ailleurs contre l’évidence cumulée des investigations cliniques ou épidémiologiques.) Tout dans la tête avant 50 ans, tout dans les ovaires après [6] …

Chez les jeunes femmes de toute façon, cette primauté du symbolique, pour avantageuse qu’elle soit quand il convient de nier les effets iatrogènes d’une authentique castration chimique, s’efface absolument lorsqu’on en arrive à une autre équation du féminin où il semble cette fois aller de soi que les paramètres du psychisme doivent être mis hors jeu : je veux parler de la fécondité et des problèmes de l’infertilité. Pas de doute, à présent : tout est dans les glandes et c’est bien à la substitution de leurs défaillances élémentaires que s’attachent – pour un coût financier exorbitant soit dit en passant – les innombrables procédures de procréation artificielle. Or, qu’est-ce les heureuses élues vont se voir offrir en échange de leurs coïts programmés dans l’horreur d’une médicalisation absolue, généralement étalée sur des années ? Outre des effets iatrogènes assez préoccupants, voire potentiellement fatals, des résultats d’efficacité problématiques dont on ne peut pas dire qu’ils aient fait l’objet de validations très rigoureuses ; une récente métaanalyse [7] montre que, sur les essais cliniques publiés – càd au top de la pratique en la matière – moins de 10% des études expriment leurs résultats en termes de naissance viable, paramètre d’évaluation dont on aurait pu penser, pourtant, qu’il s’impose comme le seul pertinent. De recoupement en recoupement sur ces données tronquées, on en arrive à reconstituer un taux de réussite d’environ 25% des cas, ce qui doit correspondre au pourcentage notoirement reconnu depuis l’antiquité au moins pour une naissance spontanée dans une population de femmes réputées plus ou moins « stériles »… Je n’ai pas su si je devais rire ou pleurer quand une femme tombée enceinte environ six mois après que je l’avais arrachée à des années de médicalisation forcenée pour « stérilité » m’a confiée sa lassitude d’être encore obligée de prendre la pilule plus de 10 ans après, et sa colère de s’être récemment fait jeter pas sa gynécologue qui a jugé, dans un accès inhabituel de modération, qu’on devrait attendre encore avant d’envisager une ligature des trompes à 48 ans [8] …

Un martyrologe constamment renouvelé

Tout cela serait plaisant si ce n’était tragique. Car cette conception simplissime de la féminité sous-tend, par son arrogance et le manque de scrupules résultant, une véritable martyrologie des femmes : la médecine moderne n’a jamais eu peur de faire souffrir le corps féminin, voire de le mutiler, ou de le tuer.

Nous savons, parce que cela a été démontré, que voici encore relativement peu à l’échelle de l’histoire moderne, la mortalité iatrogène des accouchées était sans commune mesure avec celle des femmes échappant à tout contrôle médical [9].

Mais mon propos ne concerne pas que le passé : pour stupéfiante qu’elle soit, la durabilité du mépris ou de la haine pour la vulve féminine est attestée aujourd’hui encore par l’incroyable persistance d’une pratique que, lors d’un récent débat dans les colonnes du Lancet, nous sommes quelques-uns à avoir qualifiée de « barbare » [10] – je veux parler de l’épisiotomie. Interrogez n’importe quel obstétricien, n’importe quelle sage-femme, on vous répondra que la chose n’est jamais opérée qu’avec le plus grand discernement et que, de toute façon, la procédure est remarquablement bénigne et indolore. Interrogez les chiffres, à présent, et vous verrez que ledit discernement conduit à taillader environ 95% des accouchées, tout portant à croire que celles qui en réchappent ont eu le bon goût d’accoucher assez vite pour qu’on n’ait pas le temps de sortir les ciseaux. Interrogez la méthodologie de la recherche pharmaceutique : vous verrez que cette procédure réputée si indolore est l’un des modèles le mieux établis pour les essais cliniques sur les antalgiques. Interrogez l’évidence cumulée de dizaines d’essais sur l’efficacité d’une procédure aussi incroyablement brutale : vous apprendrez qu’en moyenne, les déchirures périnéales après épisiotomie sont plus graves et plus délabrantes que celles qui surviennent spontanément. Interrogez, enfin, les femmes dans leur intimité : vous verrez que le nombre de celles qui n’osent se plaindre de séquelles durables, notamment dans leur vie sexuelle, n’est pas négligeable [11].

Les exemples pourraient être multipliés. Car, même si la médecine n’a jamais pu envisager l’équation du féminin sous forme autre qu’élémentaire, elle est néanmoins passée maître dans les techniques de simplification : il est considéré comme acquis en effet que tout ce qui pose problème dans l’anatomo-physiologie du corps féminin peut être éliminé sans autre forme de procès. Il en va ainsi, on l’a vu, de la subtile machinerie encore mal comprise du cycle hormonal, même si le prix à payer – outre une qualité de vie problématique – va des effets cutanés plus ou moins graves ou voyants aux cancers du sein en passant par les accidents cardio-vasculaires : une récente étude a estimé à quelque 430 par ans le nombre de jeunes Américaines redevables à leur contraception orale d’une hémorragie sous-arachnoïdienne [12], chiffre considérable [13] eu égard au fait que ces hémorragies méningées ne sont quand même pas la complication la plus fréquente ni la mieux documentée de la pilule. En tout état de cause, qu’il s’agisse du col ou du corps utérin, des ovaires, des trompes, des seins, de la thyroïde, des plaques de cellulite ou, bien entendu, des poils vulvaires, il n’est pas une partie du corps féminin qui soit réputée irremplaçable. Que dire des tonnes de seins qui sont partis à la poubelle sur la base d’une mammographie mal lue dans un contexte, de toute façon, où nous sommes toujours dans l’attente d’une démonstration convaincante de l’intérêt de cette procédure radiographique douloureuse et incertaine que l’on s’acharne néanmoins à accréditer comme providentielle dans une idéologie du « prophylactiquement correct » [14] ? Que dire encore de ce prophylactiquement correct qui a conduit, depuis des dizaines d’années, des millions de femmes ménopausées à ingurgiter, sur des arguments de pure complaisance, des estrogènes de substitution quand il apparaît des premiers essais cliniques enfin mis en place que les effets effectivement observés en pratique sont strictement antagonistes avec ceux qui ont sous-tendu la promotion de ces traitements [15].

Réponse à tout

Ce qui ressort de ce bref inventaire, c’est aussi que la brutalisation, voire le martyre du corps féminin ne peuvent être imputés aux excès d’une technicisation désexuante qui s’appliquerait identiquement à l’homme : pour envisager une orchidectomie même chez un homme très âgé, on y regarde de plus près que pour « la totale » chez une femme passée la quarantaine alors même que se posent, chez la seconde, des problèmes de statique pelvienne qui n’ont aucun équivalent chez le premier. Que la médecine occidentale soit brutale, excessivement brutale ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais mon propos de ce jour ne vise pas cette brutalité séculaire : il pointe un excès de brutalité qui touche spécifiquement la femme [16].

Dans la pratique médicale, le corps féminin fait l’objet d’un excès d’attention, car c’est bien dans tous les domaines de la féminité et à chaque étape de la vie que la médecine s’interpose – et qu’elle a réponse à tout. Depuis au moins la pré-adolescence jusqu’à la post-ménopause, les femmes sont l’objet d’une surveillance toute spécifique, et les remèdes qu’on leur propose font frémir le spécialiste de iatrogénie : les hormones de croissance à la moindre alerte sur la puberté (qu’elle soit présumée précoce ou tardive), les progestatifs aux premiers troubles des règles, la pilule le plus tôt possible à titre de précaution tous azimuts – par exemple pour accompagner une prescription d’anti-acnéique ! –, les FIV aux premiers symptômes d’une subfertilité initialement supposée mais durablement consolidée ensuite par une médicalisation délirante, les échographies multipliées dès le premiers jour de grossesse, l’épisiotomie assurée pour l’accouchement et les césariennes à tire-larigot pour un oui pour un non, le stérilet ensuite, puis les hormones de substitution dont quelques malins commençaient même à nous expliquer l’intérêt dès la quarantaine via la subtile innovation nosographique de la « pré-ménopause », etc. Quoi de comparable chez l’homme ?

Mais cet excès d’attention qui a réponse à tout à chaque étape de la vie – c’est une attention de réduction, de dénégation et plus encore, de dégradation : les poils intimes ne sont plus qu’une broussaille nauséabonde source de toutes les contaminations potentielles, la vulve n’est qu’un étranglement inopportun, l’utérus une source évitable d’emmerdements [17], les ovaires des glandes facilement substituables, les seins des morceaux de barbaque sans intérêt vital. Dans l’idéal du corps ainsi rectifié par la médecine, qu’est-ce qui reste de féminin [18] ? J’ai introduit mon propos en évoquant un monde inversé …

Récupération

Il arrive néanmoins que l’évidence – au sens des anglo-saxon – finisse par faire entendre sa voix dans un tel délire. C’est ce qui s’est passé, par exemple, pour l’allaitement maternel, dont plus personne ne conteste sérieusement les vertus. Mais après l’énorme essai d’y substituer un allaitement artificiel dans les années 50, la médecine n’a fait aucun effort sérieux d’autocritique – ni pour identifier rétrospectivement les sirènes qui avaient pu conduire une profession entière à engager les mères sur la voie d’un artifice aussi dommageable, ni pour évaluer sérieusement les conséquences sanitaires de l’allaitement artificiel sur toute une génération : aujourd’hui, l’allaitement « maternel » – ne dites jamais : «  naturel » – et bel et bien conçu comme une victoire de la médecine moderne – une victoire sur des pratiques anciennes dont on a oublié le déterminisme exact mais où il est tenu comme allant de soi que l’obscurantisme féminin a dû finalement s’effacer devant la rationalité médicale.

Il en va de même avec les mammectomies, heureusement en voie de régression. Loin d’esquisser un mouvement de repentance et de reconnaître qu’en matière de cancer du sein, la médecine a fait plus ou moins n’importe quoi, les gynécologues, la main dans la main avec les radiologues et les cancérologues, tendent à accréditer comme un miracle de la médecine moderne qu’on trouve encore des femmes de la quarantaine avec des nichons intacts ! Mais à une condition, évidemment : qu’elles fassent allégeance à une médicalisation qui leur impose le rituel pénible et techniquement non validé de la mammographie, pour ne point parler, chez certaines, du tamoxifène qui, outre une prise de poids conséquente, les bouffées de chaleur et des métrorragies incontrôlables, remplace le risque – minime – d’un cancer controlatéral par celui d’un accident vasculaire cérébral… Bah ! c’est quoi la tête, chez une femme ?

Ainsi, lorsque le féminin revient au galop après que les médecins ont cherché à l’éliminer, ce n’est pas pour repérer les limites de la brutalisation, mais au contraire pour accréditer une récupération et célébrer le triomphe de la médicalisation.

L’immonde féminin

Soit donc le livre légèrement daté d’un éminent académicien qui s’intitule : Hygiène et maladies de la femme. On n’aurait aucune peine à documenter, sur d’innombrables écrits équivalents, cette obsession de la médecine à l’égard de l’hygiène féminine. Mais ça viendrait à l’esprit de qui d’écrire un livre : Hygiène et maladies de l’homme ?

Il faut donc comprendre que c’est parce qu’elles sont potentiellement dégoûtantes que les femmes ont besoin d’une telle attention médicale : la médecine comme barrière à l’immonde féminin …

Nous touchons-là un des thèmes de recherche sur lequel je souhaitais attirer votre attention. A n’en pas douter, l’antagonisme homme/femme est antérieur à la naissance de la médecine moderne : mais il revient à cette médecine d’avoir déplacé les racines de l’antagonisme d’une angoisse fondamentale – la peur viscérale de l’homme à l’égard des puissances supposées du féminin – à un simple dégoût rationalisé sur la base d’un supposé savoir quant à la physiopathologie des femmes.

Face à ce corps bâti en reliefs et en creux comme pour la prise et l’emprise, l’homme, probablement depuis la nuit des temps, se trouve cisaillé par une double angoisse : rater l’abordage, certes, mais également laisser inassouvi ce creux par essence inépuisable. Car lorsque l’homme ne peut plus, la femme peut encore – il lui suffit de vouloir… C’est bien cette angoisse fondamentale – au coeur du Sacré – qui se trouve désamorcée par les pseudo-savoirs de la médecine : l’homme a raison non d’avoir peur, mais de se méfier, car on ne sait jamais quelles saletés on va trouver au fond de ce trou-là, et il n’y a rien d’inépuisable, d’autre part, dans ce corps féminin qu’il est tellement facile de pénétrer par spéculum interposé ou de démonter par morceaux [19] …

Déculturation

J’en viens à la deuxième hypothèse que je voulais évoquer devant vous, qui touche à l’origine historique de ce déplacement.

Historiquement, il est possible de corréler cette « prise en main » du corps féminin avec les premiers essais de médicalisation de l’accouchement, lorsque les chirurgiens commencent à s’immiscer. C’est l’époque qui introduit à l’idée de sages-femmes accréditées par l’autorité conjointe du Roi et du curé local [20]. C’est aussi l’époque où l’on voit paraître, sous la plume des chirurgiens en question, les premières dénonciations – particulièrement sévères – des sages-femmes « sauvages » [21], celles de la société traditionnelle, celles des contes de fées …

Or, il est frappant que cette médicalisation s’inscrit dans le sillage d’un intense mouvement de reprise en main des masses populaires : à l’échelle de l’histoire, le moment où le pouvoir central s’interroge sur l’intérêt d’accréditer les sages-femmes apparaît bien proche de celui où, avec l’objectif avoué d’une ré-évangélisation, il envoie dans les campagnes les nouveaux prêtres trempés dans l’esprit du Concile de Trente.

Le formidable ébranlement de la Contre-Réforme, c’est le moment de l’Ancien Régime où, sous la poussée des revendications protestantes, toutes les autorités en place sentent un séisme qui menace leur pouvoir et leurs privilèges [22] ; le moment où les « élites » conscientisent qu’il s’en faut de beaucoup que leurs valeurs aient profondément conquis le cœur et l’esprit du peuple ; le moment où il n’est plus possible d’ignorer que par delà le vernis d’une conversion inconsidérément tenue pour acquise, les masses restent viscéralement ancrées dans les valeurs et pratiques d’une culture bien plus ancienne. Il est significatif que l’entreprise de déculturation forcenée qui s’ensuit se développe alors selon deux axes principaux : d’une part, l’évangélisation des esprits selon les canons fermement ré-affirmés du récent Concile, d’autre part la prise en charge du corps féminin via une médicalisation de l’accouchement, càd de cet instant précis où s’actualise le plus spectaculairement les racines du pouvoir féminin dans la société traditionnelle – son aptitude à exister tout à la fois en creux et en protubérance, sa bisexualité en un mot.

Dans cette perspective, la contribution de la médecine moderne à l’entreprise de déculturation née de la Contre-Réforme apparaît plus clairement. Car ce qui distingue le plus la société traditionnelle de la société contemporaine, c’est justement la place bien plus spécifique des femmes [23] – détentrices comme par hasard des pouvoirs et savoirs qui sont aujourd’hui le monopole de notre profession : ceux qui portent sur le sexe, la procréation et l’accouchement. Et si l’on admet que la déculturation post-tridentine passait par la confiscation de ces savoirs et pouvoirs féminins, il en résulte que la médicalisation a été un ressort essentiel de cette entreprise : la Contre-Réforme, c’est aussi la grande vague des procès de sorciers – dont on sait aujourd’hui qu’ils ont été pour leur majorité des procès de sorcières, visant précisément souvent ces femmes isolées ou recluses auxquelles la société traditionnelle se référait dans les grandes moments de l’accouchement, du mariage, de la procréation et de la maladie.

Ce n’est donc guère forcer le trait de constater que, en exterminant nos concurrentes, les bûchers de l’Inquisition ont puissamment contribué à l’installation – au moins idéologique – du monopole médical contemporain et que, symétriquement, ni les médecins ni les sages-femmes assermentées n’ont jamais refusé le secours de leur science lorsqu’il s’est agi, à la demande des inquisiteurs, de documenter les spécificités anatomophysiologiques «  objectivant » l’emprise du Malin sur le corps maudit des sorcières. Est-il anodin que la fin de la chasse aux sorcières soit à peu près contemporaine des premiers édits visant à une formation plus académique des sages-femmes : il n’y a plus besoin de les brûler quand on s’est assuré le contrôle de leurs savoirs et pouvoirs.

Reconnaître que la médecine – la nôtre – ait pu être l’outil d’une déculturation d’essence religieuse conduit symétriquement à s’interroger sur les valeurs cléricales susceptibles d’imprégner notre idéologie dissimulée sous le vernis de la «  Science ». On peut se demander, justement, ce que la brutalisation du corps féminin et, notamment, l’horreur compulsionnelle de la médecine pour le vagin, doivent à la misogynie – et même à l’homosexualité plus ou moins latente – des clercs qui ont envoyé nos ancêtres chirurgiens co-évangéliser les masses paysannes …

En tout état de cause, cette élimination des femmes de leurs positions traditionnelles ne relève pas seulement exclusivement de l’histoire, fût-elle moderne : c’est un enjeu toujours contemporain. Le débat sur la prescription de la pilule aux mineures dissimulait qu’il restait des âges de la vie féminine où, traditionnellement, les médecins passaient encore après les mères. Que reste-t-il aujourd’hui pour préserver les jeunes filles d’une médecine qui s’est constituée dans l’horreur de leur corps ?

Conclusion

Méditer, cependant, sur la misogynie compulsive où s’enracine la médecine moderne, c’est aussi introduire à une interrogation sur le sadisme – au sens freudien – de notre savoir et de nos pratiques. Vaste question …

 


[1] Je parle ici du désir évacué, ou plutôt de sa mise en scène ; mais il va de soi que le problème, et l’humiliation, sont encore pires pour celles des gamines qui ne sont pas splendides …

[2] Cette allusion au cérémonial dégradant du rasage vulvaire m’a valu de certains confrères des critiques acerbes quant à la ringardise de mes sources : à les entendre, cela faisait des décennies, sinon des siècles, que l’on ne touchait plus au système pileux des parturientes. La diffusion du présent texte sur Internet (à l’initiative de certaines associations) m’a permis de vérifier, via les témoignages circulant dans les forums qu’il a inspirés, que je n’avais pas rêvé : des femmes se souviennent très bien de quoi je parle ici …

[3] Le rasage vulvaire n’est lui-même que l’avatar d’une procédure bien plus brutale consistant à raser le pubis tout entier. Dans son livre Medecine and culture (The Guernesey Press Co Ltd, 1990, p. 31), Lynn Payer rappelle, références à l’appui, qu’une étude publiée dès 1922 (et confirmée par une autre datée de 1965) documentait plus d’infections chez les femmes rasées que chez celles qui ne l’étaient pas, mais que cela n’a pas empêché la pratique de perdurer.

[4] Comme le disaient récemment E. Grant et coll (Lancet 2003 ; 362 : 1241), c’est politiquement plus correct de dénoncer les ravages du tabac que ceux de la pilule …

[5] Cette désinformation vaut, également, pour l’hormonothérapie de substitution. Encore en septembre 2007, dans un article consacré à la ménopause chirurgicale, la revue Gynécologie Obstétrique Pratique (la plus distribuée chez les gynécologues français) n’hésite pas à soutenir sans une once de réserve (p. 14) : « Avant toute décision, entre 45 et 50 ans, la patiente sera informée (sic) des bénéfices du THS » …

[6] Un article du Monde (01/02/06) rapporte que l’administration de « contraceptifs à base d’hormones » pour limiter la surpopulation des éléphants au parc Kruger (Afrique du Sud) a « provoqué un véritable traumatisme parmi la horde » : les femelles étaient tout le temps en chaleur… Il y a quelque chose de pitoyable dans le contraste entre l’attention des scientifiques aux désordres libidinaux des éléphantes sous pilule et le politiquement correct qui consiste à strictement ignorer le problème dès lors qu’il s’agit de femmes… On retrouve ce même contraste dans un article alarmiste du Parisien (02/07/07) consacré à la pollution des rivières par les résidus de médicaments : on y apprend que « une étude publiée en 2003 accuse la pilule contraceptive rejetée dans les urines des femmes de mettre en péril la reproduction des poissons ». Les pauvres bêtes …

[7] Vail A, Gardener E. Common statistical errors in the design and analysis of subfertility trials. Hum Reprod 2003 ; 18 : 1000-1004

[8] Une étude de la CNAM présentée le 25/06/04 sur le site du Quotidien du médecin (33docpro.com) atteste que chez les deux tiers des femmes traitées par un inducteur de l’ovulation comme le clomiphène, le spermogramme du partenaire n’a même pas été réalisé : il est difficile de caractériser plus nettement l’incroyable manque de rigueur qui préside aux traitements de l’infertilité présumée.

[9] Olatunbosun OA, Edouard L, Pierson RA. Physicians’ attitudes toward evidence base obstetric practice : a questionnaire survey. BMJ 1998 ; 316 : 36566. Pini P. Doctors should have left well alone. Lancet 1996 ; 347 : 1174

[10] Girard M. Episiotomy : a form of genital mutilation. Lancet 1999 ; 354 : 595-596

[11] Une récente revue (Hartmann et coll, JAMA 2005 ; 293 : 2141-8) confirme, l’absence de bénéfice de l’épisiotomie ainsi que ses inconvénients, notamment en termes de douleurs résiduelles.

[12] Johnston SC, Colford JM, Gress DR. Oral contraceptives and the risk of subarachnoid hemorrhage. A meta-analysis. Neurology 1998 ; 51 : 411-418

[13] Très supérieur, par exemple, aux pertes militaires considérées comme «  acceptables » dans une guerre comme celle menée par les Etats-Unis en Irak (du moins lorsqu’elle a été lancée : il suffit de se reporter à la presse de l’époque) …

[14] Dans une mise au point très récente (Gynécologie Pratique, mai 2004 : 1-4) sur la technique du ganglion sentinelle dans le cancer du sein, D. Zarka s’étonne de l’ignorance dans laquelle restent nombre de chirurgiens quant à cette procédure nettement moins délabrante que le curage axillaire classique et rapport cette ignorance à la « susceptibilité » des médecins et à leur refus de se former. Il conclut en exhortant les chirurgiens « dont la pratique est insuffisante » à cesser de « (mal)traiter leurs patientes ». Propos d’un spécialiste de terrain …

[15] Ce qui conduit, à l’automne 2003, les autorités allemande à considérer l’estrogénothérapie de substitution comme une « tragédie nationale et internationale », qu’elles n’hésitent pas à comparer à celle de la thalidomide (Br Med J 2003 ; 327 : 767)…

[16] Dans un essai nuancé sur la politique de stérilisation non volontaire en Suisse romande, G. Jeanmonod et J. Gasser font remarquer que quelque jugement moral que l’on puisse porter sur la législation en vigueur, celle-ci s’est exercée en grande majorité (80% ou plus) sur les femmes (Aspects de l’histoire de l’eugénisme et de la stérilisation non volontaire en Suisse romande au XXe siècle, in Ch. Bonah et coll (éd) : Nazisme, science et médecine, Paris, éditions Glyphe, 2006 : 235- 57).

[17] Aux Pays-Bas, 32% des femmes subiront une hystérectomie au cours de leur vie (cité par Roovers JP et coll, Br Med J 2003 ; 327 : 774-777)

[18] Dans le même numéro de Gynécologie Pratique que celui accréditant que nombre d’interventions sur cancer du sein tiennent plus de la maltraitance que de la chirurgie (cf. note 14), deux autres auteurs (Sadoul G, Beuret T, p. 1, 5-6) affirment sans rougir que « la fréquence du col normal oscille selon les critères entre 2 et 15% ». Statistiquement, la « norme » étant en principe la zone où se retrouvent 95% des sujets, on ne saurait admettre plus effrontément que la médecine s’autorise sans complexe à rectifier la féminité, puisque que 85 à 98% des femmes actuelles auraient ainsi un col utérin… anormal ! Cela n’est pas un lapsus : dans la même revue, un autre auteur (D. Benmoura. Gynécologie pratique, sept 2004 ; n° 167 : 7) n’hésite pas à affirmer, avec la même inconscience statistique : « le col parfait est rare ». On saurait dire plus explicitement qu’en matière de féminin, la «  perfection » est rare : mais qui la définit ? Complément d’aveu s’il en était encore besoin, dans cette revue qui est probablement la plus distribuée chez les gynécologues français : dans le n° 196 de juin 2007, C. Quéreux admet que « le col ‘idéal’ est rare ». On croyait savoir, de toute façon, qu’en matière de féminin, « l’idéal » est rare – hélas …

[19] Dans son ouvrage Sexe et amour au Moyen Age (Paris, Klincksieck, 2007), B. Ribémont relève qu’avant la médicalisation moderne, une tradition qui remonte à l’Antiquité fait du corps féminin une énigme, et que nombres d’ouvrages portant sur les questions gynécologiques évoquent le « secret » dès leur titre (p. 134). Il insiste également sur l’intensité de la peur ou l’inquiétude qu’inspire le corps féminin (pp. 137, 141, 143, 144). G. Duby (La femme, l’amour et le chevalier, in Amour et sexualité en Occident [ouvrage collectif], Paris, Seuil Points-Histoire, 1991) confirme : « les attitudes masculines à l’égard de la femme paraissent, à l’époque dont je parle [XIIe siècle], dominées moins par le désir que par la peur » (p. 215). Dans le même ouvrage collectif, Françoise Thébaut, considérant une période encore bien plus tardive, n’hésite pas à affirmer : «  Le XIXe siècle a peur de la sexualité féminine (…) La peur de l’enfant doit constituer pour la majorité un rempart. C’est un moyen de moralisation sociale (…) Les hommes tiennent les femmes par la peur de l’enfant » (La peur au ventre, ibid, p. 292-3).

[20] Il n’est pas très facile de dater avec précision cette « médicalisation » de l’accouchement traditionnel. F. Lebrun (La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, A. Colin, 1975, p. 112) cite un édit de 1692 visant au renforcement de la formation des sages-femmes ; F. Gelis et coll. (Entrer dans la vie, Paris, Gallimard, 1978, p. 78) situent ce mouvement de reprise en main « à partir de la seconde moitié du 17e siècle. »

[21] Quoi qu’il en soit quant aux premières velléités de contrôle, la mise en place d’une obstétrique « académique » en dépit des résistances est un processus de longue haleine : on retrouve l’écho très typé du souci médical quant à l’accréditation des sages-femmes jusque sous la plume de G. Flaubert, fils et frère de médecins, dans l’Education sentimentale. De même que pour celui visant la contraception aux mineures (cf. plus bas), on peut s’interroger aussi sur les racines culturelles du débat presque contemporain sur le «  droit à l’avortement »

[22] Pour JM Constant, qui souligne par ailleurs l’influence des femmes dans la revendication protestante (p. 146), « le protestantisme n’a pas été seulement, au XVIe siècle, un séisme religieux, mais une véritable révolution culturelle et politique » (Les Français pendant les guerre de religion, Paris, Hachette, 2002, p. 144.)

[23] Dans A. Jouanna et coll. Histoire et Dictionnaire des guerres de religion, Paris, R. Laffont, 1998, p. 911-3, J. Boucher estime que « le XVIe siècle fut antiféministe », qu’il réforma « certaines coutumes [qui] se montraient relativement favorables à un statut égalitaire » et que « la femme avait probablement le plus de liberté » dans les milieux « populaires » que dans les milieux « moyens » (abstraction faite du statut fort spécial des femmes chez les aristocrates de la haute société). L’auteur distingue en cette époque «  une certaine crainte : celle de l’indépendance féminine risquant d’ébranler les bases de la société ».

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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 11:18

 

Un peu plus d'un bébé sur cinq vient au monde par césarienne aujourd'hui en Belgique, soit 5% de plus qu'il y a dix ans, avec une apparente stabilisation depuis 2005.

Plus de la moitié de ces césariennes sont programmées.


Le positif (il faut en trouver tout de même)  : l'augmentation des césariennes a pour corollaire une diminution d'à peu près 2% des extractions instrumentales (forceps et ventouse), ce qui n'est pas plus mal pour les bébés. Entre deux maux, autant choisir le moindre comme on dit...


Sinon, et bien que l'on soit encore loin des chiffres qui ont cours aux Etats-Unis ou dans des pays comme le Brésil où on approche les 80% de césariennes (!!), le constat n'est quand même pas brillant, car il sous-entend une augmentation toujours plus importante de l'interventionnisme médical dans la mise au monde, et une incapacité toujours aussi marquée de laisser les accouchements se dérouler dans des conditions les plus naturelles possibles (cf les césariennes "programmées").

 

Combien de ces césariennes ou de ces extractions par ventouse auraient-elles été évitées avec des conditions de naissance un tout petit peu moins stressantes pour les mères et le personnel hospitalier, et une moindre ingérence médicale dans le processus d'accouchement ?

 

Voilà une question qu'elle est bonne, hein ?


 

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Lorenzo  il y a un peu plus de 7 ans...déjà !

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17 décembre 2009 4 17 /12 /décembre /2009 22:54


Voici le clip video du film "le premier cri", dont j'ai déjà parlé ici, et la musique d'Armand Amar, chantée par Sinead O'Connor. Beau morceau, émouvant. Je partage.

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