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2 août 2005 2 02 /08 /août /2005 00:00

Elle augmenterait légèrement le risque de certains cancers mais le diminuerait pour d'autres

La pilule contraceptive officiellement classée cancérigène

Martine Perez pour  http://www.lefigaro.fr/

[02 août 2005]




Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), basé à Lyon (1), vient d'annoncer dans un communiqué que les contraceptifs oestro-progestatifs sont des cancérogènes du groupe 1 – c'est à dire avec le niveau de preuve le plus important –, après un examen complet de la littérature scientifique. Les experts estiment que la pilule contraceptive augmente le risque de cancer du sein, de cancer du col de l'utérus et de celui du foie. En revanche, elle diminue celui de l'ovaire et celui de l'endomètre.


Cette conclusion paraîtra abrupte, voire inconcevable pour les non initiés, dans la mesure où l'idée de l'innocuité totale de la pilule est un dogme difficile à remettre en cause. La contraception orale ayant été l'un des acquis les plus importants pour les femmes du vingtième siècle, il n'est pas question de l'abandonner ni de l'accabler de tous les maux. Ces conclusions pourraient cependant avoir un impact important sur la vie des femmes, en incitant les médecins à arrêter les prescriptions à partir d'un certain âge.


Plus de 100 millions de femmes prennent la pilule (sous forme d'associations combinées oestro-progestatives) dans le monde, soit près de 10% de celles en âge de procréer. Près de 80% des femmes ont déjà utilisé la pilule dans les pays industrialisés. C'est désormais un passage initiatique quasi obligé pour les jeunes filles avant de devenir mère et même souvent après. Beaucoup d'études ont souligné la très bonne tolérance de la pilule et la rareté des complications (essentiellement d'ordre thrombo-embolique). En 1999, les experts du Circ avait déjà publié une première monographie relevant que la pilule oestro-progestative augmentait légèrement le risque de cancer du foie.


En juin 2005, un nouveau groupe de 21 chercheurs de huit pays différents, non liés à des firmes pharmaceutiques, a été réuni à nouveau par le Circ pour rédiger une monographie – mise à jour et analyses de toutes les données – sur le risque cancérogène liés à la contraception hormonale et aux traitements de la ménopause, monographie qui sera publiée dans quelques semaines. Néanmoins, leurs principales conclusions sont d'ores et déjà disponibles sur le site internet du Centre. «Il existe une légère augmentation du risque de cancer du sein chez les utilisatrices actuelles et récentes de contraceptifs oraux. Mais dix ans après la fin de l'utilisation, le risque semble être redevenu semblable à celui des femmes qui ne les ont jamais utilisés», rapporte le docteur Vincent Cogliano (chargé des monographies du Circ). Cette conclusion repose sur plus de soixante études. L'une des analyses les plus importantes sur le sujet, publiée dans le journal médical The Lancet en 1996, porte sur 53 000 femmes atteintes d'un cancer du sein, comparées à 100 000 témoins de même âge. Elle concluait effectivement à une petite augmentation du risque. «Mais, à l'époque, les experts du Circ avaient attribué cette petite augmentation à des biais dans les études et non à la pilule elle-même, souligne le docteur Silvia Franceschi (Circ). En réanalysant toutes les données, nous avons conclu cette fois qu'il y avait bien une majoration incontestable des cancers du sein sous pilule, de l'ordre de 20%.» Cela n'est pas majeur, dans la mesure où le risque de cancer du sein chez la femme jeune reste faible. Néanmoins, un risque même très faible appliqué à une très large population peut finalement aboutir à l'émergence de quelques cas de cancer du sein chez des femmes jeunes. En moyenne, tous âges confondus, on observe 83 cas de cancer du sein pour 100 000 femmes par an en France.


Pourquoi la pilule oestro-progestative majorerait-elle le risque ? «Normalement, en période d'activité génitale, les ovaires d'une femme sécrètent pendant dix à quatorze jours par mois de la progestérone, précise le docteur Franceschi. Avec la pilule combinée, la femme est exposée pendant trois semaines aux progestatifs. L'association des progestatifs aux oestrogènes pourrait expliquer ce risque accru.» Faut-il pour autant bannir la pilule ? «Les experts n'avaient pas pour objectif de faire des recommandations en la matière. Mais par exemple, on pourrait envisager de proposer aux femmes de plus de 35-40 ans, un autre mode de contraception, dans la mesure où à partir de cet âge-là, le risque de cancer du sein commence à croître», ajoute Silvia Franceschi. Les experts ne disent pas si les jeunes filles ayant des antécédents familiaux de cancer du sein sont plus sensibles aux effets de la pilule et devraient s'abstenir de la prendre.


Par ailleurs, selon le Circ, la pilule augmente également le risque de cancer du col de l'utérus. Cette dernière maladie est due à un virus sexuellement transmissible, le papillomavirus. Pendant des années, les études ont montré que les femmes prenant la pilule avaient plus de cancer du col. Mais l'interprétation en était que celles sous pilule avaient plus de rapports sexuels et étaient donc plus à même d'être infectées par les papillomavirus. Or chez les femmes porteuses de ce virus, on a découvert que celles sous pilule développaient plus souvent des cancers du col que les autres. Cette conclusion est surtout problématique dans les pays en voie de développement où il n'y a pas d'organisation d'un dépistage de ce cancer par frottis comme c'est le cas ailleurs.


Le Circ a souligné à nouveau que la pilule multipliait d'un facteur deux à trois le risque de cancer du foie. Dans la mesure où ce cancer est très peu fréquent (2 cas pour 100 000 femmes par an), ce cancer reste très rare pour les femmes jeunes. En revanche, la pilule diminuerait le risque de cancer de l'endomètre et de l'ovaire d'environ 50%, ce qui est loin d'être négligeable. La réduction serait d'autant plus forte que l'utilisation serait longue et persisterait au moins quinze ans après l'arrêt.

Au final, les bénéfices sont-ils supérieurs aux risques ? «Il est possible que les bénéfices de la pilule soient supérieurs aux risques, mais ce n'est pas dans le champ du Circ de le montrer, souligne Vincent Cogliano. Des études d'évaluation dans chaque pays sont nécessaires pour répondre.»

(1) Le CIRC est un centre dépendant de l'Organisation mondiale de la santé.


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